Rencontre du troisième type entre un virtuose de la kora et un génie de la guitare. Le premier est guinéen, le second américain. Héritier d’une tradition griotique familiale, Djeli Moussa Diawara a passé sa prime enfance entre les notes joyeuses du balafon paternel et la puissance mélodieuse de la voix maternelle. Instrumentiste zélé au sein du mythique Rail Band de Bamako, aux côtés de Mory Kanté son frère, il se distingue avec un premier disque en 1983 sous label anglais. Remarqué en 1992, après la sortie de Cimadan, album qui le consacre dans l’univers complexe de la world, il s’installe en France à la fin des années 80 pour pouvoir confronter sa musique aux autres. Son compagnon dans cette aventure, lui, nous vient de la Californie. Musicologue passionné de guitare hawaiienne, collectionneur invétéré de la marque d’instruments National Guitar, Bob Brozman est un voyageur sans répit en matière de sonorités étrangères dans le monde occidental. Il est ouvert, curieux et adepte d’une fusion culturelle sans cesse renouvelée. Il n’en fallait pas plus pour les mettre d’accord. Diawara, au cours d’un concert avec DeRosa à La Réunion en 1999, fait la connaissance de Brozman, qui lui propose de jouer ensemble. Et bingo, l’affaire est conclue…

Le résultat vaut le détour. Un superbe album qui défie toutes les règles du conformisme le plus confortable. Un dialogue épatant entre la kora guinéenne et les guitares dobro et hawaiienne : légèreté cristalline d’un côté et pureté métallique proche du banjo de l’autre. Un blues de voyageur déchaîné. Voix aérienne (Nkaminyo yelena ma) ou grave (Uncle Joe), solos épanouis dans la douceur (Voyage dans le désert), Ocean Blues suggère une nostalgie de grands espaces, qui passe d’un continent à un autre sans sourciller. Après s’être aéré au contact du jazz, des beats électroniques et autres rythmes latinos (voir l’album Flamencora notamment), Djeli repart ici se ressourcer de l’autre côté de l’Atlantique. Le feeling hardi de son complice Bob l’initie aux valeurs secrètes du Nouveau Monde. L’album se raconte comme un livre. Au commencement était la règle (le titre Kanun). Au final, les anges l’emportent : la version de Malaïka, qui clôt l’ensemble de ces onze titres, se réécoute facilement en boucle… Dommage pour ceux qui ne les verront pas jouer sur scène. Le plaisir est sensiblement amplifié.