Charlemagne Palestine, Mondkopf, vos musiques sont en apparence très différentes, pourraient presque paraître opposées : d’un côté, le pianiste (et organiste, et harmoniumiste) minimaliste, à qui deux notes suffisent pour jouer une heure de belle musique, et de l’autre, le musicien aux influences électroniques, black metal et industrielles. Comment votre rencontre imprévisible a-t-elle eu lieu, et qu’en attendez-vous ?

Charlemagne Palestine : Bien que je puisse effectivement faire de la musique avec seulement deux notes,,,,, je peux aussi faire et j’ai fait des musicss avec des milliers de notes ou des tuyaux d’orgues, et je préfère le terme de « piano liquide » à celui, surutilisé et mal utilisé et qui ne s’applique pas à moi, de « minimal »,,,, car comme je,,,, peux jouer avec deux ou des milliers de notes,, le terme,,, maximal, est plus approprié,,,,,

Mondkopf et moi avons joué pour la première fois ensemble à la Carrière de Normandoux en 2012,,,, c’est Jérémy Verrier et Stéphane Roux qui avaient proposé le dduo et j’ai tout de suite accepté le challenge,,,, la performance s’est très bien passée,,, Mondkopf et moi nous sommes très bien entendus et avons collaboré facilement,, donc ce n’était pas une surprise qu’on nous demande de rejouer ensemble, et j’ai hâte que le second tour arrive, comme pour des boxeurs ou des catcheurs (haha)!!

Mondkopf : Notre rencontre s’est faite par hasard. Le festival In Finé Workshop prévoyait de faire jouer Charlemagne Palestine avec Jackson & his computer band, mais celui-ci a annulé. Ils m’ont donc contacté pour le remplacer. Je connaissais les travaux de Charlemagne et j’écoute beaucoup de musique répétitive, c’était donc un honneur de pouvoir travailler avec lui !

Avez-vous l’impression que votre apparente différence a aussi des points communs plus abstraits, des « manières différentes de faire la même chose » ? Par exemple, un rapport au motif répétitif, ou une quête de transe, ou encore, si l’on peut le dire ainsi, des sons qui ne viennent pas du « centre du son » mais en quelque sorte des « périphéries » — comme les harmoniques du piano, par exemple, ne sont pas le « centre » du son, la note elle-même, mais en quelque sorte arrivent des bords et finalement peuvent envahir tout l’espace sonore ?

M : Je suis vraiment attaché à l’idée de transe dans la musique. J’aime l’idée que la musique soit puissante, qu’elle produise des émotions qui passent par le corps. C’est très important pour moi, en particulier, la façon de déclencher des mécaniques du corps qui peuvent aller jusqu’au vertige. Si un aspect harmonique s’ajoute à ça, on peut toucher à ces moments de transcendance où ton esprit se déconnecte de tout. Mais il faut que le public puisse ressentir la même chose, car si tu es tout seul dans ta transe, ça n’a aucun intérêt.

CP : Je préfère la notion de liquidité à celle de répétition ,,,, transe, ouiiii ,,,,, des sons qui viennent du centre aux bords,, ?? J’aime les deux,, les territoires,,, tous les territoires,,, du proofond centre aux plus looointains et laaarges bords,,,,, touttt est bien !!!

Quel est votre regard respectif sur le monde musical de l’autre, non pas sur la musique que chacun d’entre vous fait personnellement, mais la musique autour de vous, la musique dont chacun de vous provient, ou de laquelle il s’entoure ? Charlemagne Palestine, comment ressentez-vous le monde musical de Mondkopf, et Mondkopf, quel est votre sentiment sur celui de Charlemagne Palestine ?

M : Je ne pense pas assez connaître ce « monde musical » de Charlemagne pour pouvoir répondre à cette question.

CP : ,,,, Je vois / entends le monde de Mondkopf comme aussi des varrriations des évolutions d’un continuum, drone, transe, traditions,,, parmi d’autres, que ma génération et moi avons découvert une génération plus tôt, des,,,, antiques,,,, primitives,,,, originelles,,, musiques des cultures du monde,,, et des rituels qui ont existé pendant des centaines et des milliers d’années déjà dans les traditions non-occidentales,,, de sorte que nous sommes des générations différentes influencées par des sources très anciennes et que nous nous sommes développés différemment avec de nouvelles expressions et de nouvelles technologies, parce que des temps nouveaux sont là,

Que pensez-vous du Black Metal et du fait que des gens comme Stephen O’Malley soient profondément influencés par le minimalisme américain et la musique contemporaine académique ?

M : C’est stimulant, ça ouvre des portes sur de nouvelles façons de faire de la musique, en intégrant plein de techniques indépendamment des genres. Après, j’apprécie moins quand tout ça est intellectualisé.

CP : Encore une fois, je résisterai à ce qui me semble un gros mot, ce terme de minimal,,, et je lui préferrrerai pour ma part celui de maximal,,,,,,, quant à l’académie,, si pompeuse et coincée, dans tous les sens, formes, manières,,,, une tradition,,, je l’évite autant que possible!!!

Charlemagne Palestine, même si vous continuez aujourd’hui de composer indépendamment d’une époque ou d’un style restreint, et que comme vous le dites vous réfutez l’académisme, vous êtes originellement relié au mouvement minimaliste américain, qui comprenait aussi des artistes visuels : Donald Judd, Sol LeWitt, Dan Flavin, Carl Andre, pour n’en nommer que les plus connus.

CP : Une fois encore, je souhaite ne pas reprendre à mon compte votre remarque et votre obsession au sujet de ce mot, « minimal ». Pour moi, « minimal » revient à laisser un petit pourboire mesquin dans un restaurant ou un bar. Les minimalistesss visuels, ce n’est qu’un terme qu’ils ont proposé, « minimalisme »,,, un terme qu’ils ont apprécié,, accepté,, et qui, mêmme, exxxplique leur expérience. Pourtant je pense que LeWitt – si on fait bien attention aux formes,, aux couleurss,, aux variations,, aux combinaisons,,, et à leurs développement,,, – eh bien c’est trèsss difficile, en fin de compte, de le ranger dans ce petit mott coincé du cul,, minimalisme.

Et que ressentez-vous face à l’art actuel ? Vous sentez-vous proche d’une scène particulière ?

CP : Je me sens proche de tous les arts du présent, y compris les plus jeunes, plus ouverts à la fusion des atmosphères de ce présent,,, et prendre congé du minimal à jamais et accueillir le maximal pour toujours.