Voici un enregistrement de grand intérêt. Il présente la musique de scène d’Antonio Vivaldi, dont six airs inédits ; car si le chef-d’œuvre de la musique instrumentale que sont les Quatre saisons est un tube rebattu, il n’est tout même pas la seule œuvre du compositeur vénitien, puisqu’on a retrouvé la trace de pas moins de quatre-vingt-dix opéras signés de sa main. On n’échappera pas pour autant à l’accroche facile que sont les Quatre saisons, ici dans une transcription chorale du Printemps expédiée par un bien mauvais chœur. Le léger agacement qui s’ensuit est balayé d’un revers de manche dès l’entrée de Cecilia Bartoli. On est saisi par la virtuosité éblouissante, l’abattage impressionnant de la soprano et l’aisance avec laquelle elle égrène les guirlandes de doubles croches qui émaillent les Tempêtes et autres airs guerriers : clarté des attaques, justesse irréprochable, brio, et si certains airs de castrats semblent un peu forcer sa voix, tout est là pour nourrir notre plaisir. On bat des mains et on trépigne comme un petit enfant devant un jouet scintillant, puis, comme lui, on passe à autre chose sans le moindre état d’âme… Est-ce dû à quelque chose de trop appuyé dans l’articulation, à un certain expressionnisme auquel on préférerait un mariage plus intime entre les harmonies et les inflexions vocales ? Les nuances triple piano du très beau Gelido in ogni vena ou le crescendo appuyé de l’orchestre qui accompagnent la descente aux Enfers après le mot terror, son expression trop proche peut-être du mot furor, ailleurs, les effets d’écho du Zeffiretti che sussurrate sont indéniablement saisissants et séduisants mais se montrent dans tout leur artifice : celui de l’effet.

Mais ne boudons pas le plaisir pris à l’audition de cette belle musique ignorée, où Vivaldi montre son goût des couleurs et sa maîtrise des surprises d’orchestration, particulièrement réussies dans ses accompagnements : guirlandes de flageolets (Di due rai languir costante), étonnant psaltérion (Ho nel petto un cor si forte), et clavecins obligés du Zeffiretti… montrent assez le mérite qu’il y avait à sortir ces pages des bibliothèques où l’oubli les avaient confinées. On se prend à rêver d’une attitude éditoriale plus audacieuse encore, qui nous restituerait un opéra entier au lieu d’extraits en récital. Avis aux amateurs…

Cecilia Bartoli (soprano). Arnold Schoenberg Chor, dir. Simon Schouten / Il Giardino Armonico, dir. Giovanni Antonini