Contrairement a ce que laisse entendre le titre de leur troisième album : Keep it like a secret (garde ça comme un secret), Built To Spill ne demandent qu’à être écoutés et diffusés. En effet, une telle formation « idéale » (basse, guitare, batterie, chant) -ajouté au genre revendiqué : le pop-rock middle class américain- est souvent le signe d’un groupe en mal d’affection. Or, ce créneau est exigeant, car il demande la capacité à savoir transmettre ses émotions, ses réflexions avec invention : bref, il ne laisse de place qu’au talent.
Les Built To Spill sont bons élèves, mais peut-être trop appliqués. Ils manient avec séduction l’art de la pop song atomique qui se scotche sur le sifflomètre quotidien (le très Weezeresque Corner of the universe, en moins jouissif, il est vrai) comme l’art de la chanson concept travaillée avec modestie et qui effleure intellectuellement (You were right ou Carry the zero). Mais la modestie est peut-être ce qui plombe beaucoup le talent. Car pour faire du spectacle, il faut soit de l’arrogance et être un manipulateur (Bowie), soit avoir son manque d’amour à sublimer. Et dans tous les cas, il faut du style et se lâcher.
On sent bien chez Built To Spill cette capacité -cette volonté- de faire le grand saut dans le déballage des sentiments. L’ensemble de l’album est impeccable, certaines chansons à la limite de l’indispensable (The plan). Cependant, toute cette séduction, malgré quelques reliefs qui ont du copyright (REM, les Beach Boys, Blur), tourne vite à la démonstration pilotée avec dextérité mais sans envergure. Built To Spill est à deux doigts d’être un grand groupe, mais Keep it like secret peine cependant à devenir un disque de chevet, il ne donne pas envie d’aller plus loin ; Built To Spill demeure un bon groupe de rock intelligent mais de deuxième division. Pour les collectionneurs et les oisifs, en quelque sorte.