Profitant d’une vague de popularité toute neuve, Brigitte Fontaine a -semble-t-il- décidé d’en finir avec les années de vaches maigres, quitte à vendre un personnage de diva surréaliste un tantinet insupportable mais qui fonctionne à merveille avec les médias (coucou Björk !) : « J’ai envie que ça marche. Je veux vendre, j’en ai besoin » déclarait-elle récemment…

Nous voici donc partis pour Kékéland (en bonne place dans la course au plus mauvais titre d’album), un pays pas si imaginaire que ça, habité entre autres par d’excentriques américains (Sonic Youth, Archie Shepp), des rockers bordelais (Noir Désir), des popeux gérontophiles (Les Valentins) et un lutin énervant (le maudit M)… Tout commence plutôt bien, avec Demi-clocharde. Brigitte Fontaine retrouve ici une écriture plus inspirée que sur Les Palaces, par exemple, même si les Sonic Youth y assurent le minimum syndical. Avec Bis baby boom boom, exercice rock avec Noir Désir, ne fonctionne que le temps de quelques couplets pour buter sur un refrain un peu trop héroïque. Même chose pour Pipeau dont le refrain est d’une mièvrerie confondante : « L’amour c’est du pipeau/c’est bon pour les gogos/l’amour c’est du pipeau/c’est bon pour les gogos ! » Rapidement, on se dit que ce casting impressionnant n’est peut-être là que pour masquer le principal échec du disque, soit cette voix devenue un peu trop caricaturale et théâtrale pour séduire. Et si, tout simplement, Brigitte Fontaine ne savait plus chanter ? Ceci dit, cette tonalité de mamie sous valium n’est jamais que le pendant du clown qu’elle exhibe en guise de personnage public.

Pourtant Kékéland réserve quelques bons moments : surprise, Les Zazous, un lifting de la chanson d’Andrex, est brillamment mené par M : l’homme à la coiffure ridicule y mêle habilement sa voix aérienne à celle de la Fontaine. Résultat : une atmosphère à nouveau ludique et enlevée. En fait, les morceaux les plus dignes restent ceux réalisés avec le compagnon de toujours, Areski Belkacem, qui lui sert des ballades plus posées et, donc, moins prétextes à d’éventuelles excentricités : Je t’aime encore (déclaration très émouvante), Profond, et surtout les mystères de Guadalquivir.

Même si les paroles de Brigitte Fontaine constituent encore, de ci, de là, de belles trouvailles, elles sont de plus en plus empreintes d’automatismes et d’effets de style tellement « m’as-tu lu » qu’elles redoublent la caricature qu’est devenue son chant. Et ce ne sont pas les invités -même s’ils font tout pour sauver la mise, bien heureux semble-t-il de côtoyer la vieille dame indigne- qui suffisent à mener le bateau à bon port.