C’est à Brooklyn que Bojan Z a enregistré ce Transpacifik où, après l’explosif et collectif Koreni et le mémorable parcours solitaire de Solobsession, il revient au format du trio en compagnie de deux piliers de la jeune scène new-yorkaise, Scott Colley (contrebasse) et Nasheet Waits (batterie). Inutile d’y aller par quatre chemins : cette escapade américaine du plus balkanique des pianistes français est certainement l’un de ses meilleurs disques, à tout point de vue. Les inconditionnels du pianiste se sentiront immédiatement en terrain connu, sans pour autant pouvoir se reposer sur leurs lauriers ; si l’on retrouve quelques uns des ingrédients typiques de la patte Bojan Z (l’attirance pour les modes et traditions d’Europe centrale, avec ici l’adaptation d’un morceau traditionnel bulgare ; un toucher sec, balancé, un son nettement identifiable), on les découvre sous de nouveaux éclairages. La paire Colley / Waits offre au jeu rythmé du pianiste une assise en béton armé qui, pour manifester une solidité et un groove on ne peut plus américains, n’en sont pas moins capables d’une admirable subtilité dans les échanges. Le recours occasionnel du pianiste au Fender Rhodes donne à l’album la touche de fantaisie (pas forcément essentielle, mais pas anecdotique non plus) et de couleur qui en décuple la saveur. Mélodiquement entêtant (on retrouve l’art consommé de Bojan Z pour les thèmes envoûtants), rythmiquement surprenant (démarrage en fanfare avec Set it up) : Transpacifik confirme, si besoin était, la stature d’un pianiste parmi les plus précieux de la scène européenne contemporaine. Un disque qui marque dans le parcours d’un musicien qui compte. A suivre plus fidèlement que jamais.