Très bon album de ces inconnus débarqués du label Skam auquel s’associe exceptionnellement Warp, peu habitué des collaborations entres labels. Le disque est à l’image de cette association : on y entend aussi bien des synthés krautrock (Klaus Schulze not dead !) que du hip-hop minimal, des voix d’enfants (petit truc très utilisé en ce moment chez Aphex Twin ou U-ziq, par exemple) que des morceaux ambient qui rappellent le meilleur de Seefeel période Succour ou Autechre avec un petit supplément d’âme qui rend ce disque attachant. Ce qui fait la personnalité du groupe, c’est, sans que l’on puisse la définir, la présence d’une émotion rarement entendue ailleurs, par exemple sur le magnifique et nostalgique Roygbiv. La pochette du disque est à l’image de cette nostalgie à la fois inquiétante et amusée : la photo fatiguée d’une petite famille des seventies qui n’a plus de visage. Il est possible que tous ces groupes d’Electronica cherchent sans jamais la trouver cette famille qu’ils aiment très fort, ce qui fait la beauté et le désespoir latent de leur recherche. Les faits sont là : nous ne sommes plus en 1972, et, en plus, on n’a même pas vraiment envie d’y être. Mais pas non plus envie d’être maintenant.

Alors il reste la musique, et celle de Boards of Canada, réunit trois grandes qualités : psychédélique, mélodique, électronique. « La musique a le droit de batifoler, de jouer, de s’amuser » semble nous dire le titre, bref de retourner en enfance mais une enfance ni malsaine ni délirante, juste étonnamment grave et réfléchie. Composé de nombreux morceaux courts semblables à des instantanés (des polaroïds ?) et de quelques morceaux ambient plus longs, Music has the right to children est un des disques estampillés Warp les plus énigmatiques. Mais la beauté est souvent une énigme. Et ce disque est beau.