Infatigable, Bill Frisell poursuit de bon pas sa marche à rebours sur les chemins des traditions musicales de ses terres américaines, pedal steel guitar en bandoulière, set discret d’effets électroniques au pied et idées de génie par dizaines dans la tête. On n’avait pas encore fini de s’émerveiller des richesses de ses précédents albums (Ghost town en solo voici deux ans, Blues dream l’année passée) qu’il nous envoie avec ces Willies à la pochette cartoonesque infantile une nouvelle carte postale de ses voyages dans un passé revivifié et passé au tamis d’une poésie personnelle dont le charme fait incontestablement de lui l’un des plus attachants guitaristes de ces quinze dernières années.

Seize morceaux ramassés (entre deux et six minutes) cette fois-ci, ballades doucement moqueuses et petites valses tendres de son cru auxquelles s’ajoutent quelques reprises et, surtout, quatre traditionnels réarrangés et réinventés : tout l’univers Frisell, en quelque sorte, où le soleil cogne sur les champs du Colorado (il y a grandi et en a gardé l’influence du son de la guitare steel) et où le temps s’écoule paisiblement au son du blues. A ses côtés, Danny Barnes (guitare, banjo et harmonica) et Keith Lowe (contrebasse) apportent leur touche acoustique à ces pièces d’orfèvrerie à cordes d’un impeccable minimalisme, ludiques et nuancées sous des dehors volontiers répétitifs. Rien de neuf sous le soleil délicieusement folk de Frisell City : pas de révolution dans ce petit monde musical bien rôdé, qu’on redécouvre chaque fois avec le plaisir et l’enthousiasme d’une première fois.