Troisième disque en trio pour l’ex-jeune lauréat du Concours de jazz de la Défense (et, trois ans plus tôt, premier prix de jazz du Conservatoire National de Paris) et, dès les premières mesures, un changement de cap qui saute aux oreilles : Benjamin Moussay a partiellement renouvelé son équipe (son premier batteur, Luc Isenmann, ayant cédé la place à Eric Echampard, avec qui il a déjà longuement joué au sein du Bernard Struber Jazztet, la contrebasse restant dans les mains du fidèle Arnault Cuisinier), mis de côté ses influences classiques et laissé ressurgir ses penchants pop, préféré le binaire au ternaire et, d’une manière général, calé ses pas dans ceux d’une tendance qui, pour aller vite, aurait le trio du pianiste scandinave Esbjörn Svensson comme chef de file et, disons, les célèbres Bad Plus en initiateurs grand public d’entrée de gamme. Si la priorité reste accordée au piano acoustique, Moussay n’hésite d’ailleurs pas à aller voir du côté du Rhodes et de la quincaillerie électronique pour donner un petit « plus » à ses compositions (« piano et + », est-il indiqué sur la pochette), signe qu’il a largement tendu l’oreille à l’air du temps et définitivement abandonné (pour cette expérience en tous cas) son ancrage classique pour plonger à corps perdu dans les eaux de la pop, du rock, des tourneries bien balancées, des chansons qui restent dans la tête et d’une énergie rythmique qu’Echampard, bonne pioche, s’entend merveilleusement à produire. Pour la petite histoire, on apprend que le titre de l’album provient d’une photographie d’Hélène Biensa sur laquelle on voit Moussay sortant sportivement d’une piscine ; pour la musique, elle oscille d’une introduction pêchue et envoûtante à la EST (Lost valley) à des climats élégants, parfois empruntés (Debussy pour Il pleure dans mon coeur, Gainsbourg pour Manon). L’ambiance est indiscutablement à l’efficacité, à la concision, à la compacité, sans monomaniaquerie toutefois ; très convaincante, cette power-facette inattendue de la personnalité de Benjamin Moussay devrait réserver quelques jolis moments en concert. En attendant, on peut se régaler chez soi.