Il est des disques qu’on aurait aimé défendre. Bed, grand groupe pas si foutoir, mené par Benoît Burello, se retrouve propulsé sous les feux de la scène rock française grâce à plan promo étonnant. Deux pages pleines dans Libération consacrées à un projet indépendant connu de personne ou presque, on a déjà vu pire relais médiatique. Dommage que l’émotion, elle, ne soit pas au rendez-vous. Et si cet album, pas si concept qu’il en a l’air, a le mérite d’opter vers le tout acoustique, les défauts inhérents au rock intimiste refont rapidement surface.

Un peu trop sage, la musique de Bed est surtout marquée par trop de poses. Si le côté instrumental, bien exécuté, donne dans le sobre, la présence de vocaux dans la plus pure tradition « française » rappelle les pires heures du rock incorruptible, de Yann Tiersen à The Married monks. Les textes, engoncés dans leur romantisme bon marché, se calent, mi-chant mi-spoken word, lourdement sur la délicatesse de la musique. Trop policé, l’album perd de ses aspérités potentielles et se complaît dans son propre rôle : un disque triste, jusque dans ses silences, qui érige la gravité en art de jouer.

Le projet se prend ainsi trop au sérieux et oublie qu’au delà de la création, il y a aussi une interprétation, qui se doit d’être sobre, détachée. Tout ce que ne fait pas Bed, qui se confine dans sa posture pour souligner lourdement une musique qui se suffisait amplement à elle-même. Dommage car la capacité instrumentale du groupe était bien là ; Benoît Burello, maître de cérémonie, est accompagné dans son voyage intimiste par quelques compagnons anonymes : Thierry Chompré (batterie / bugle), Olivier Melano (violon), Yann Louineau (guitare), Colin Ozanne (clarinettes), Manuel Bienvenu (guitare), Jean-Michel Pirès (batterie) et Guillaume Feyler (violoncelle). Soit une formation entre classique et rock, millimétrée s’il en est, rappelant dans la forme au moins les quelques excroissances de l’école belge, d’Univers Zéro à Art Zoyd en passant par Julverne. Mais ici, la fureur de leurs aînés est oubliée et la matière musicale s’en retrouve compactée, lissée. Un étrange retour aux sources d’un rock de chambre qui est tout sauf à blâmer. Reste que ces projets devraient eux aussi niveler par le haut.