En 2000, le single Red alert, explosive mixture de house uptempo et de P-funk, avait attiré l’attention sur Basement Jaxx, un duo de bidouilleurs angliches. Puis, un premier album banalement creux (Nude) fît attribuer ce coup d’éclat à la chance du débutant. En 2001, les Jaxx reviennent et surprennent avec Rooty, une collection quasiment impeccable de hit-singles potentiels qui invite à reconsidérer leur cas à la hausse. Ce que laissait vaguement pressentir leur premier et magistral essai se confirme : la musique de danse commerciale et ambitieuse s’est trouvé de nouveaux orfèvres. Rooty est donc un disque de dance-music moderne qui perpétue à sa façon l’esprit de Technotronic et du Prince des mid-eighties. L’équilibre y est constant entre expérimentation et efficacité, sophistication et bourrinisme.

L’album doit sa réussite à sa variété : un tiers de morceaux de facture relativement conventionnelle, usant avec une maîtrise parfaite des ficelles qui font trembler le dance floor (Roméo, réjouissant hymne house garage, Jus 1 Kiss, délicieuse sucette pop house, Get me off, sorte de Pump up the jam satanique, Where’s your head at, bourrinerie techno punk gorgée de 8/6) ; un tiers de bombes house-funk baroque avec beats vicieux et force breaks en triolets, sans doute l’aspect le plus excitant du disque (Il suffit d’écouter les grooves foudroyants de Breakaway ou SFM pour décrire des anneaux de Moëbius avec son bassin. Et quelle joie d’éprouver la tintinnabulante rythmique de Crazy girl, avec ses cloches pitchées, ses pets et scratches synthétiques !) ; un tiers, enfin, d’exercices de styles : Broken Dreams campe une jolie ballade pop en mode mineur et au tempo modéré. L’arrangement en est singulièrement troublant, avec un joli mélange d’orchestre samplé et de basse synthétique, et un effet trémolo exagéré sur la voix. Do your thing est un amusant exercice de house-swing réminiscent de la merveilleuse Betty Boo. All I know, electro-reggae paisible, clôture le disque de manière inattendue.

Le travail de production est admirable : les pattern rythmiques, les sons de boîtes, l’agencement des breaks, la foisonnement d’infimes détails décoratifs, tout cela conjugue funkitude et fantaisie avec une maestria stupéfiante. Mais la production n’est pas tout : Rooty doit son exceptionnelle tenue au fait qu’il regorge de véritables pop-songs, bien construites, avec refrains et tout le tremblement. Nous voici à mille lieux des inanes bidouillages de l’electro hautaine.

Pour résumer, le disque qui scelle les fiançailles de la house underground et de la pop mainstream en 2001 n’est venu ni de Daft Punk ni de Air mais de Basement Jaxx. Et cet été devrait de toute évidence leur appartenir. Leur seul souci devrait vraisemblablement être celui du choix des singles.