Bardo Pond signe avec Lapsed son quatrième album, le deuxième pour le label Matador. Révélés par deux micro-labels, Drunken Fish et Compulsiv, les américains atteignent aujourd’hui le sommet de leur art. Quelque part entre My Bloody Valentine et Jesus and mary Chain, Spectrum et Soundgarden, ils offrent des morceaux tout en étirements, rock spacieux et spatial, psychédélique et bordélique. Certes, le ménage à été un peu fait dans la fourmilière de sons et d’influences mises en place sur les précédents albums, mais la part de mystère reste, sur Lapsed, quasi entière. Cette musique névrotique s’insinue dans les esprits avec la redoutable efficacité des poisons indécelables. Ces élégies à la puissante charpente prennent leurs temps pour faire leur place dans nos têtes, mais une fois qu’elles y sont, impossible de les en déloger. En ce sens, on peut dire de Johnny gun angel, bardé de larsen, que ce n’est pas un morceau difficile. Il vrille dans le crâne avec une telle facilité que c’en est déconcertant. Il referme pourtant en lui de terribles souffrances. Flux est une véritable catharsis, une purification qui passe par le grand plongeon dans un bain d’acide. Ce titre combine à merveille les atouts majeurs de Bardo Pond : un son plombé, distordu, brutal, allié à cette vois féminine noyée dans la masse, si douce et si inquiétante. Sur Green man, il semble que l’on soit prêt à tout instant à voir un kaléidoscope géant s’afficher devant nos yeux, tant nos oreilles sont abreuvées de ces scories sonores, de ces volutes de guitares malmenées jusqu’à leur point de rupture. La musique de Bardo Pond est puissament hallucinogène, elles ouvre la porte aux visions à la fois les plus agréables et les plus douloureuses. En plus, elle est légale. Raison de plus de s’y plonger plus que de raison.