Nouveau disque d’Alan Licht sur Siltbreeze (après Sink the aging process – 1993), ex-membre de Love Child, des Blue Humans et de Run On, excellent guitariste et peut-être encore meilleur écrivain et critique musical ! Ses articles dans Halana sur le minimalisme ont fait découvrir beaucoup de musiciens peu connus et conduit à pas mal de rééditions (Tony Conrad, Richard Youngs, Charlemagne Palestine… Ici, son Minimal Top Ten. Ses disques de guitare solo, le célèbre The Evan Dando of noise sorti en 1997 sur Corpus Hermeticum (dont le livret intérieur contient un de ses fantastiques essais musicaux) ainsi que ceux en compagnie de Loren Mazzacane Connors (sur Road Cone, notamment) font de lui un personnage passionnant que nous vous invitons fortement à découvrir et à lire. Rabbi sky, disque de guitare solo, est un concept album sur le thème de la permutation comme moyen d’accéder à une autre réalité, en tout cas de lui donner un autre sens. Inspiré à la fois par le Livre de la Création, Bryon Gysin (« The way out is to permutate »), Sky Saxon, La Monte Young, Steve Reich, Guillaume de Machaut et Terry Fox (avec références à l’appui), les deux morceaux de Rabbi sky (qui aurait pu sortir sur Tzadik) sont de longues plages à la fois simples et complexes, dans lesquelles se plonger est moins difficile qu’il n’y paraît.

Le premier morceau, Rabbi sky (5 permutations), est composé de cellules de guitare distordues qui se superposent. À la cinquième minute, un orgue tranquille intervient. À la onzième minute, l’orgue devient encore plus calme et beau (comme du My Bloody Valentine très ralenti). Quatre minutes plus tard, c’est le brouillard jusqu’à l’intervention à 18’30 mn (après un blanc) d’une autre guitare plus aiguë, plus sale, aux cordes heurtées et maltraitées. À 23’35 mn, la terre explose et il ne reste qu’un bruit sourd, très vite remplacé par un retour à une guitare violée. Le morceau s’emmitoufle alors de lames de fond supplémentaires et de divers drippings et signaux sonores qui créent un environnement musical très dense (qui font beaucoup penser à Total).

Le second morceau, All blues (11 minutes), est beaucoup plus rock, au sens où il commence comme finit un live de Motorhead. Dédié à Phil Niblock et James Mc New, il est plus véloce, plus dynamique que Rabbi sky, notamment vers la moitié, où l’auditeur a l’impression d’être pris dans un puissant tourbillon de distorsions. Une métaphore du rock avec juste une guitare. Ce disque fait clairement partie de ces chefs-d’œuvre qui doivent autant au DIY (Do It Yourself) -il a été enregistré sur un simple 4 pistes- qu’au minimalisme et au rock’n’roll. Comme le dirait Licht lui-même : « Rock on lovers everywhere -cause that’s basically it ».