Les Add N To (X) sont vraiment des phénomènes. A l’écoute de ce Avant hard, on se dit que des gens qui composent de telles petites symphonies pour robots ne peuvent être eux-mêmes que des machines, des entités couvertes de boulons à la précision diabolique.
Cependant, la mécanique musicale qu’ils mettent en place est implacable. La concision de Kraftwerk, l’humour de Devo, une bonne dose d’esprit de contradiction et un goût immodéré pour le shocking kitsch les placent assez loin devant la meute des poursuivants, les faiseurs de son à la petite semaine. Steve’s going to teach himself who’s boss et FYUZ sont deux morceaux dont on a du mal à se lasser, et qui laissent entrevoir les sombres desseins du groupe : la rythmique métronomique pour dompter l’oreille aisément et la retenir, et les bribes de mélodies, hachées, entrelardées, presque disloquées, pour nous hérisser un peu le poil ; le contrepoint parfait. La place laissée à l’aléatoire est l’une des grandes caractéristiques de leur musique, et c’est ce qui nous donne à comprendre qu’ils sont finalement terriblement humains. Avec eux, si les machines se soumettent, elles n’en oublient pas pour autant de saigner abondamment, comme pour apporter la preuve de leur vie.

De là à dire que Avant hard est composé de morceaux à la gloire du hasard, c’est sans doute un peu pousser, même si l’on est sûr que cette hypothèse ferait plaisir aux trois Add N To (X), Barry Smith, Steve Claydon et Ann Shenton. Ils s’y connaissent quand même méchamment pour faire sonner leurs instruments (samplers, mellotron et autres claviers vieux et biscornus) de manière quasi inédite. Comment ça, inédite ? Oui, car comme toujours, c’est ce que l’on fait de la matière brute qui compte. Metal fingers in my body, ou l’histoire d’amour (bon, de cul, ok, la chose est dite) improbable entre une pin up et un robot, en atteste : ce jerk gothique qui rend hommage aussi bien à Suicide qu’aux Cramps -deux de leurs influences majeures- est tout simplement magnifique, mais l’image rétro que les britanniques leur collent est tout à fait inadéquate. Pas assez polis, les jeunes gens de Add N To (X) pour se plier à cette étiquette. L’esprit libertaire souffle partout sur Avant hard, depuis la petite comptine introductive à l’album, Barry 7’s contraption, jusqu’au final –Machine is bored with love– en forme de révérence aux harmonies déviantes. Ce qui rend leur musique passionnante.