Le jeune label français Arbouse Records, qu’on a vite classé aux côtés de labels électroniques comme Gooom ou Active Suspension, se distingue de ces derniers par une culture vraisemblablement différente, une certaine maturité nostalgique, qui lui fait préférer (un peu à la manière de Thomas Morr et sa passion pour Slowdive) les guitares claires et les atmosphères étirées aux expérimentations électroniciennes et au formalisme débridé. Sur ce (véritable) deuxième album de Acetate Zero (connections : Orgasm, Clair, Madrid), priorité est ainsi donnée aux mélodies et aux compositions, les « effets » sonores n’intervenant que pour en souligner les portées. On pourrait facilement affilier Acetate Zero aux étendards courants d’un certain rock atmosphérique (Hood en tête, Movietone, Flying Saucer Attack, Pan American, et dans une autre mesure, la scène avant-rock de Montréal), mais les parisiens sont assez grands pour se défendre tous seuls.

Car Ground altitude a tout d’un grand disque : maîtrise musicale et vision d’ensemble sont mêlées d’une certaine maladresse, relevant plus de la franchise que de la timidité, et qui est bien ce « petit supplément d’âme » qui fait les grands disques, justement. Après un court premier morceau bucolique-automnal en guise d’introduction, Ascension égrène ses boucles légères guitares-basse-cymbales, comme une feuille volante qui tourbillonnerait vers le haut (d’où les boucles inversées). Répétition, respiration, aspiration, inspiration, Acetate Zero produit là une sorte de GYBE! dont les excès de manche seront toujours suffisamment compressés pour ne jamais inquiéter l’auditeur outre mesure. Tout l’art du quintette semble d’ailleurs de savoir garder sa (la) mesure, quand bien même il y aurait tempête dans les cerveaux. South against North ponctue ainsi le chant en douceur d’Elsa de guitares saturées et dissonantes qui ne perturberont jamais la délicate retenue générale. Les montées expressives et les poussées d’intensités passent comme lettres à la poste, dans un souci constant d’équilibre (le mix) et de plaisir (la ritournelle). Entre échelles de guitares arpégées et lignes de basse suspendues, Acetate Zero alterne instrumentaux et parties chantées, comme d’autres pratiquent la promenade champêtre : la monotonie du paysage devenant voyage intérieur. Entre terre et ciel, les arrangements de textures font de vagues diversions : beat electronica (un sample saturé de Autechre, me souffle-t-on), pendant vingt secondes sur First class vacuity, flûtes de traverses sur Milford track stations, petits drones de bruits blanc de ci de là… Quittant régulièrement le plancher des bovidés pour des attraction célestes de toute beauté, Ground altitude est donc « atmosphérique », comme on parle de l’atmosphère terrestre, ou de l’atmosphère dans une pièce en huis-clos (ce qui se passe entre les différents protagonistes), ou encore de l’atmosphère climatique, métaphore pratique quand il s’agissait d’évoquer les agissements joliment pluvieux du groupe Madrid, dont un des musiciens est ici le transfuge (réfugié ?) parfait. On reconnaît ici la même passion pour les lundi après-midi de novembre…

Mais si la musique de Acetate Zero est mélancolique, elle sait aussi tendre vers son idéal, légèrement, sur la pointe des pieds, par brises successives et envolées ténues, qui touchent pourtant toujours au but. Un peu à l’image de la pochette du disque (recto : le sol flou d’une forêt prenant les trois-quart de l’image ; verso : le gris du ciel), Acetate Zero a composé ici une musique terrestre et céleste, de surface et de profondeur, réaliste et idéaliste. Le dernier morceau s’intitule Gone, évidemment. On leur souhaite bon vent.