Le label Constellation, malgré sa relative confidentialité en France, gratifie le public français un tant soit peu curieux d’une vision personnelle et toujours intéressante du rock actuel. Prenant directement leur source dans le krautrock des 70’s (en VF, le rock-choucroute de Can ou de This Heat) et dans un certain rock décalé (Magma, Soft Machine, Henry Cow, Heldon), les opus de ce label se retrouvent tous dans une unité stylistique et spirituelle plus qu’intéressante. On avait apprécié le son old-school de Do Make Say Think, pleuré toutes nos larmes de midinettes sur les chansonnettes « wyattiennes » de Sofa, et totalement craqué sur l’incandescence totalement post-rock progressif des Canadiens de God Speed You Black Emperor. Là, pas de doute, le nouvel album de Thierry, Efrym et Sophie (deux d’entre eux font partie de GSYBE) fait converger nos avis.

En quelques mots, cet album réussit à condenser tout ce que la musique rock doit actualiser en ces périodes fastes de revival mainstream. Premier précepte du dogme : rester intègre dans sa démarche. Second mouvement : ne jamais oublier la mélodie. Troisième acte : privilégier la création du climatique. Et les leçons peuvent continuer en autant de préceptes que nécessaire. Avec sa musique chatoyante, à la production hyper-sobre, aux vocaux sensuels et à l’instrumentation discrètement flamboyante, le lien entre les ritournelles d’un Robert Wyatt en pleine euphorie et les poussées orgasmiques de montées tout en douceur des expérimentations très seventies est fait. Sans pour autant tomber dans une vision arriérée d’une musique qui n’a jamais cessé d’évoluer, les trois musiciens canadiens utilisent l’épure des moyens et des effets comme rampe de lancement de leur musique. Une démarche décalée peut-être, mais qui pourtant a su se trouver un public dans le monde en pleine effervescence d’un rock underground se révélant au grand public. Avec ses mélodies jamais simplistes, sa joliesse toute naturelle et une certaine touche d’exception, la musique de He has left us alone crée une osmose inattendue entre les ondes détournées d’une radio marginale, les cordes d’un violoncelle, des notes égrenées à la Satie et une voix empreinte d’une bouleversante humanité.