Le rock est-il mort ? Qu’est-ce donc que le rock ? Vieille rengaine stérile, puisque, de toute façon, les biographes nous le rabâchent : le rock serait mort en 1977 dans un palace de Las Vegas, au moment précis où Elvis avalait sa dernière louche de crème glacée vanille-pistache avant de claquer pour de bon. Mais, coïncidence frappante, selon des sources bien informées, la même année, dans une boîte d’épingles à nourrice trouvée sur les berges de la Tamise, le rock renaissait en hurlant Anarchy ou White riot ! Heureusement en tout cas qu’il y aura toujours, ici ou là, un gang d’énervés pour faire mentir les fabricants de dictionnaires.

Les 19 500 personnes rassemblées à la Thomas and Mack Arena de Las Vegas (décidément !) n’assistaient pas à une veillée funèbre. Le Fragility tour de Nine Inch Nails était en ville, et malgré un concert puissant, il y eut des spectateurs pour avouer que A Perfect Circle, assurant la première partie, avait peut-être bien volé le show à Trent Reznor, grâce à leur prestation envoûtante… La rumeur s’amplifiait depuis que Mer de noms était entré directement n°4 au Top 100, une sorte de record pour un premier album rock.

Si des titres comme The Hollow, Judith, Rose ou le fracassant Magdalena impressionnent par leur impact immédiat, c’est que les membres du groupe ont tous derrière eux un parcours singulier qu’ils mettent au service de ce nouveau défi. Lorsque Maynard James Keenan, le charismatique chanteur de Tool, offre ses textes et son chant enflammé aux compositions en volutes acier de Billy Howerdel, les portes s’ouvrent. Ils seront rejoints par Josh Freese, batteur implacable déjà aperçu derrière Dweezil Zappa, Paul Westerberg ou Guns’n’Roses et Troy Van Leeuwen (Failure, Enemy). N’oublions surtout pas la craquante Paz Lenchantin qui ouvre des espaces de grâce dans la moiteur ambiante d’Orestes, mélancolique et presque apaisé, troublant comme une rêverie nocturne. Thinking of you, scandé par Maynard et soulevé par les guitares inspirées de Billy Howerdel, reflète cette tension intérieure palpable qui traverse tout l’album.

Ambiances contrastées à fort potentiel émotionnel. Un projet artistique original et honnête qui s’éloigne de la daube rampante. Et, si à l’écoute du disque ou à la sortie d’un concert, quelqu’un(e) décidait de donner un coup de kick à sa vie, les chicaneurs auraient l’air con… Etonnant, non ?!