La cadette des formations de l’Arfi est née fin 98 au Festival Tramway devant les platines d’Eric M, lequel, s’il n’est pas présent sur ce premier album, a souvent partagé ses scènes par la suite. Les habitués du folklore imaginaire ont sans doute déjà entendu ailleurs les membres de ce quartet œcuménique qui célèbre avec fracas les noces poétiques du verbe et du circuit imprimé : Maurice Merle (saxophone, composition), Xavier Garcia (sampling, claviers, bidouille électrifiée), Alfred Spirli (batteur autodidacte depuis 1972, vainqueur et diplômé du Golf Drouot en 1977 et membre de l’Arfi vingt ans plus tard) et Lucia Recio (chant) se sont déjà fait entendre au sein de différents groupes et projets du collectif, du Workshop de Lyon à Torero Loco en passant par l’Effet Vapeur et la Marmite Infernale. Ouverte et hospitalière, leur association s’enrichit régulièrement d’une voix extérieure pour les concerts (Eric M, donc, mais aussi le guitariste Keith Rowe) ou se confronte à d’autres formes d’expression artistique, à l’image du projet The Green silk, né de la rencontre entre Xavier Garcia et le chorégraphe Kota Yamazaki, ou encore de ses travaux cinématographiques autour du film de Robert Wiene Le Cabinet du Dr Caligari.

Cette fois Paul Rogers (contrebasse) et Fred Frith (guitare) sont venus mêler leur voix à celle du groupe pour ce premier enregistrement étrange et envoûtant, où se succèdent et se superposent les modes et les humeurs, les tons et les couleurs, les ambiances inquiétantes ou furieuses. L’auditeur est projeté d’une surprise à l’autre comme la bille d’un flipper surréaliste. Si unité il y a dans la musique de 32 Janvier, c’est plutôt dans cette constance à s’engouffrer dans les brèches ouvertes çà et là, à butiner au hasard des possibilités que dans une hypothétique récurrence de la dualité entre les lignes mélodiques de Maurice Merle et les pointillismes bruitistes des manipulateurs de sons. Sur ce fond délirant se détache la voix facétieuse de l’Andalouse, dont les impressionnants écarts de hauteur et de volume évoquent l’électrocardiogramme d’un poète agité, avec des textes à tendance quasi oulipienne signés Maurice Merle, Lucia Recio et Adrien Spirli. Paul Rogers est partout, virtuose et inventif (13, 14, 15) : Fred Frith, quant à lui, est à la hauteur de sa réputation. Avec une furieuse créativité, une énergie revigorante et toutes les clés de l’imaginaire en main, 32 Janvier et ses invités signent un album détonant où le loufoque et le rêve ouvrent tous les horizons de l’improvisation.

Maurice Merle (sax, composition), Xavier Garcia (sampling, kbds, électr.), Alfred Spirli (dm) et Lucia Recio (vcl) + Paul Rogers (b), Fred Frith (g). Enregistré au Théâtre de la Renaissance à Oullins en octobre 1999 et à Tarare en juillet 2000