Du célébrissime New Yorker, on connaît bien sûr les grands auteurs : John Updike, John Cheever, Harold Brodkey, J.D. Salinger. Le nom de William Maxwell, en revanche, n’est guère connu de ce côté-ci de l’Atlantique ; il fut pourtant leur éditeur au cours des quatre décennies qu’il passa au sein du magazine, où il entra dès l’origine grâce à l’une de ses fondatrices, Katharine White (l’épouse d’E.B. White). Né en 1908 et mort en 2000, Maxwell est aujourd’hui considéré comme l’un des grands classiques de la littérature américaine, fort d’une œuvre romanesque abondante et de notables responsabilités académiques (il présida le National Institute for Arts & Letters au début des années 70). Son enfance à Lincoln (un modeste patelin paumé dans l’Illinois) et la tragédie de la mort de sa mère, emportée lors d’une épidémie alors qu’il avait 10 ans, inspireront ses deux premiers romans, publiés durant les années 30. Le très autobiographique Comme un vol d’hirondelles (1937), première des deux reprises aujourd’hui proposées par 10/18, est rapidement devenu l’un de ses textes les plus fameux ; avec l’histoire tragique d’une famille bourgeoise frappée par le destin alors même que le monde sort de la première guerre, Maxwell donne un petit livre (deux cents pages à peine) sombre et sobre où les douleurs et déchirures sont pudiquement voilées derrière une langue simple et sans afféteries, tout entier voué à l’hommage à la mère.

C’est cependant dans Au revoir, à demain, écrit près de quatre décennies plus tard (le roman fut publié en 1980 aux Etats-Unis et récompensé par l’American book award), qu’éclate la force délicate de cette voix d’une étonnante noblesse. En racontant un fait divers remontant au début des années vingt, le narrateur de cette fiction brève (une quasi « miniature », selon le mot de Michael Ondaatje) réveille le souvenir d’une lâcheté qui le poursuit depuis l’adolescence. Un homme en a tué un autre, d’un coup de fusil, pour une histoire de femme ; la victime était le père du narrateur, William, l’assassin celui de l’un de ses amis, Cletus. Le père de William a foutu le ménage de son meurtrier en l’air. Les deux enfants sont séparés ; ils se retrouveront quelques mois plus tard dans le couloir d’un collège, à Chicago, sans parvenir à se dire un mot. « La rencontre dans le couloir d’un collège, un an et demi plus tard, je la revis sans cesse comme si mon imagination me faisait passer par une série de réincarnations successives qui, chaque fois, déboucheraient sur le même échec. » Totale sobriété du style, habileté de la construction, mélancolie grise et contagieuse : Au revoir, à demain charrie doucement son lot d’émotion, avec cette délicate pudeur qui semble mieux que tout caractériser la personnalité du méconnu William Maxwell.