Le Japon fourmillant de multiples sectes, dont certaines tristement célèbres, on peut imaginer que Naissance d’un gourou cherche à retranscrire une certaine réalité nippone. Le cinéaste et bouffon télévisuel Takeshi Kitano s’y focalise sur un exemple modeste : une secte sans grande originalité, dont le gourou soigne les gens par imposition des mains, ce qui lui évite au passage, lors des « tournées de prosélytisme », d’avoir à marcher sur les eaux (un exploit pourtant promis par le tract distribué aux passants : « Le gourou arrive !! Meeting de rencontre avec dieu : guérison de toutes les maladies / démonstration de la technique secrète de marche sur l’eau »). Dans cette histoire débarque donc le dénommé Kazuo, fraîchement largué par sa copine, viré de son boulot, perdu dans un moment propice aux révélations. Au départ, son tract entre les mains, il n’y croit pas une seconde ; mais quand il voit une vieille femme se lever de son fauteuil roulant pour marcher… Il s’écroule, saluant le miracle et se retrouve tout ébaudi, prêt à signer pour une nouvelle vie au service de la communauté. Mission accomplie pour le gourou et ses sbires. A partir de là, les choses vont très vite. Après quelques heures comme sous-fifre (« stagiaire »), il devient presque immédiatement acteur, chargé de simuler les « miracles » de la guérison en public. Si ce rôle trouble un peu son appréhension de la foi, il est vite remis dans le droit chemin par Shiba, second du mouvement qui en tire en réalité les ficelles tout en s’accordant de généreuses plages de loisirs (nécessaires à la fréquentation des bars et des salons de massage), sans oublier le détournement de fonds (nécessaires à ses plaisirs quotidiens). Puis, abruptement, le gourou en titre meurt. C’est à notre jeune Kazuo qu’il revient de le remplacer… Manipulateur manipulé, il continue de servir Shiba, son idéologue, tout en se berçant de l’illusion d’un pouvoir inexistant.

Bien sûr, derrière le récit, on trouve en vrac la question de l’existence d’un dieu, de la foi, de la mise à l’épreuve de l’homme… Shiba, atteint d’une divine-punition, la résume ainsi : « Je me posais la question de savoir si un jour le ciel finirait par me punir, et voilà, j’y suis. L’essentiel, c’est que se soit manifesté quelque chose qui ressemble à l’ombre de dieu. Jusqu’à présent, je n’en ai toujours fait qu’à ma tête, j’ai consciemment commis des fautes, sans jamais être châtié. Alors, si je le suis maintenant, c’est sûrement à cause de ce qui vient d’arriver. Je viens de voir ce que je cherchais, ce que je sollicitais depuis de longues années : l’ombre de dieu… ». Rien que du constructif, donc. Verdict : on s’ennuie ferme, et il est difficile de tout imputer à une faiblesse de la traduction. Unique moment vaguement surprenant, qui pourrait presque excuser la médiocrité du reste : le conte (?) qui ouvre le récit, digne de La Fontaine, sorte de parabole elliptique (trop facile ?) mettant en scène l’Aigle Royal et le Pigeon Ramier. Un peu court, tout de même, pour compenser la suite. Si les fans de Kitano veulent s’y coller malgré tout, Naissance d’un gourou se lit heureusement très vite. Après, on peut aller au cinéma pour oublier.