On raconte dans certaines contrées nordiques qu’il vaut mieux éviter de rencontrer la mort lorsque les douze coups de minuit qui marquent la nouvelle année résonnent dans nos oreilles. Spécialement, précise la légende, si votre passage sur terre ne se résume pas qu’à de bons agissements. Si c’est le cas, vous êtes condamné à conduire le chariot de la mort, celui-là même qui se charge de récolter les âmes nouvellement envolées.
Selma Lagerlöf
choisit la fameuse nuit de la Saint-Sylvestre, nuit festive pour les uns, nuit interminable pour les autres, et imagine un conte de Noèl dans lequel les fées et autres trolls ne peuplent pas vraiment l’intrigue. Elle raconte les dernières heures de la sœur Edit, hantée par une culpabilité étouffée des jours durant et qui retarde courageusement son passage dans l’au-delà afin de se délivrer de ses secrets et de ses regrets. Elle aime un homme marié, David, qui de surcroît est considéré comme un être malfaisant, malade et peu soucieux de ses congénères. David va peu à peu connaître la Rédemption à la suite d’une rencontre peu singulière avec la Mort. La Reine de la nuit ne lui fait pas l’honneur de l’accueillir dans sa nouvelle vie ; c’est son Cocher, Georges, ancien compagnon de beuverie de David, qui se charge de faucher les âmes durant un an (il a été frappé du sortilège des mauvais garçons qui meurent au douzième coup de minuit la nuit de la Saint-Sylvestre), en attendant qu’un nouveau venu ne le remplace.

« Mon Dieu, puisse mon âme arriver à la maturité avant qu’elle ne soit moissonnée » ; c’est la prière que David finit par chuchoter, après avoir purifié son âme et trouvé une sérénité dans la promesse de racheter ses fautes.
Selma Lagerlöf
imagine cette belle parabole. Sans doute n’a-t-elle pas oublié que son père, alcoolique invétéré, est à l’origine de tous les malheurs de sa famille ? Mais si l’intrigue paraît au premier abord austère et quelque peu lugubre, son écriture est généreuse, à peine angoissante, car la mort omniprésente, l’ambiance spectrale et la violence des sentiments exprimés sont traités avec humanité et indulgence à l’égard des faiblesses de l’âme. L’aveuglement, semble nous dire Selma Lagerlöf, entrave notre passage sur terre et nous cantonne dans une existence égoïste et vaine. Le simple fait de faire ce constat avant de mourir nous libère de cette inertie et nous donne une utilité dans ce bas monde. Reste à préparer l’ultime voyage en ayant fait la paix avec son âme.

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