Bonne surprise de cette rentrée s’agissant « premiers romans », La Contre-heure révèle un écrivain déjà mûr, tant par le style que par la personnalité littéraire. Si Sébastien Hoët s’autorise d’ailleurs plusieurs charges aussi virulentes que jubilatoires contre certains littérateurs contemporains, avalisons le fait qu’il peut largement se le permettre, une seule de ses pages où l’écriture est toujours fine, ciselée, nerveuse, corrosive, renvoyant à son énigmatique nullité toute l’« œuvre » d’une Christine Angot, par exemple, dont la démence égolâtre, la vacuité agressive et illuminée, ravagent actuellement l’entièreté du panorama… Bref, passons.

Gilles (hommage à Drieu ?), professeur de philosophie dans un lycée de Lille, il promène son regard cocasse et cruel, amer et cinglant, sur ce qui l’entoure : collègues ou élèves, enfants, jeunes ou vieux, productions culturelles diverses, et plus généralement tout ce qui constitue l’esprit d’une époque qui, sans doute, s’illustrera dans l’Histoire pour l’ampleur inédite de sa médiocrité satisfaite. Excellent satiriste, Hoët ne rate jamais une cible ; cette attaque du groupe The Kills, par exemple, est savoureuse : « Une lycéenne énervée, hurlant dans un micro, cachée sous ses cheveux, avec un vieux skater vendeur de fruits et légumes qui faisait ding-ding sur une guitare électrique mal branchée, et on s’extasiait là-dessus. »

Le masque de Gilles, séducteur désabusé, homme d’esprit braqué contre son temps, aussi dédaigneux qu’étiolé, se figerait également aisément dans la grimace, n’étaient deux êtres qui viennent insidieusement le bouleverser. D’abord une lycéenne, suicidée en se jetant dans la cour depuis le troisième étage le jour de la rentrée, dont il semble d’abord ignorer le drame mais qui hante le livre en entrecoupant l’histoire du ressassement de ses derniers instants. Ensuite, Esther, collègue d’anglais dont Gilles s’éprend tout en méprisant son milieu bobo, prévisible et inculte. Sauf qu’Esther se révélera plus fine que Gilles ne l’imaginait, et lui servira ses quatre vérités. Si l’on peut trouver un peu faible les scènes de la jeune suicidée et insuffisamment développée la progression et les interactions entre les personnages, ce premier roman n’en constitue pas moins une réussite remarquable, qui tranche avec éclat sur la fadeur ambiante.

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