Ç’eut été négligence que de ne pas évoquer Patten à Patten. Livre de collaboration entre le grand écrivain Russell Banks et le photographe Arturo Patten, ce texte sensible et théorique sur les habitants de cette bourgade du Maine touche à quelque chose de profondément humain de manière indicible. Aux portraits saisissants du photographe répondent ainsi les propos avisés d’un homme qui se prête volontiers (sa profession l’y oblige de temps à autres) à l’objectif d’un Leica. Russell Banks ne s’y trompe pas : « l’étrange destin de la photographie n’est pas de fabriquer de la nostalgie, ni d’arrêter le temps, ni même de créer un objet esthétiquement beau, bien qu’elle fasse souvent tout cela. Il est plutôt de libérer un conflit universel, intuitivement perçu, entre sujet et objet… » Car à Patten (Maine), les habitants ne sont ni riches, ni célèbres (ce ne sont pas non plus des marginaux ou des délinquants) ; ce sont des gens moyens, a priori peu attrayants, et pourtant, par la puissance de ces portraits (on imagine sans mal les malheurs de leur vie) rendus à l’universalité d’une vérité.