La critique professionnelle n’a sans doute pas prêté l’attention nécessaire, il y a deux ans, au moment de sa sortie, à cet essai d’une lucidité encombrante. Trop occupée à folâtrer avec les fast-thinker de la place, elle négligea ce titre venu pour menacer sa conscience douillette. Philippe Delmas, qui connaît assez bien le monde, son histoire et sa géographie, les Etats et ceux qui les peuplent, s’est donc tout naturellement intéressé à faire apparaître l’essentiel de ses mouvements, c’est-à-dire la guerre. Son livre, aujourd’hui réédité en collection de poche, érudit sans être pesant, révèle quelques vérités qui ne sont pas bonnes à entendre : l’Amérique n’a jamais été innocente, la politique étrangère de la France est quasiment réduite à néant, les multiples intégrations régionales encouragées par les grandes puissances ne font que favoriser les possibilités de conflits, etc. Car en nouant des intérêts communs – essentiellement économiques -, les Etats se persuadent de leur bon droit à maintenir une relative stabilité à l’échelle de la planète. C’est un peu vite oublier la nature humaine. Dans ce monde sans précédent, « mélange compliqué d’unité grandissante et de fragmentation accrue où la distinction s’estompe entre la paix et la guerre », cette dernière s’assure, comme le souligne Philippe Delmas, un bel avenir. Par manque de courage des politiques ou parce que les fondements mêmes de nos prétendues démocraties sont à revoir ?