Saluons l’initiative de Noèl Coret : réunir en un seul ouvrage les très nombreux peintres qui, au cours du XIXe siècle et du début du XXe, prirent la Marne pour source d’inspiration. Elle offre en effet un double intérêt. Historique tout d’abord, puisque nous découvrons ainsi la rivière elle-même, du temps qu’elle était rivière -avant les barrages et les rejets de déchets industriels-, moins célèbre que l’Oise ou que la Seine, sans doute parce qu’y furent associées les images des armées qui suivirent son cours pour envahir la France, du XVIe au XXe siècle, les images des poilus de 14-18 et les souvenirs des douleurs et des souffrances que connurent les plaines champenoises qu’elle traverse, désormais seulement célèbres pour les produits de leurs vignes. L’histoire que l’on découvre au fil des toiles se fait néanmoins plus quotidienne, réveillant les échos des guinguettes et des dimanches au bord de l’eau, manière non marchande d’occuper ses repos, paysans et ouvriers mêlés dans le plaisir, alors tout nouveau, de profiter de la campagne.

L’intérêt historique conduit ensuite vers la découverte des nombreux peintres que la postérité, parfois à tort, n’a pas retenus. Le livre (et les textes de Noël Coret) donne l’occasion de repérer, non seulement les différents courants picturaux qui s’exprimèrent dans ces lieux (école de Barbizon (menée par Corot), cubisme (Roger de la Fresnaye et Henri Hayden), naturalisme (Léon Lhermitte, au style proche de Millet), réalisme (André Planson, Dunoyer de Segonzac), impressionnisme (Camille Pissarro) et néo-impressionnisme), mais surtout la multiplicité de leurs regards et l’importance des éléments propres à chacun. La composition et l’ensemble, l’atmosphère, la lumière, les contrastes, etc., aucun de ces éléments ne se retrouve identiquement dans les œuvres des peintres. Seuls peut-être les très grands (ainsi n’est-ce sans doute pas totalement arbitraire si Utrillo, Corot, Van Gogh ou Pissarro nous sont davantage connus aujourd’hui) parviennent à voir et à rendre la totalité des constituants du paysage. L’exemple le plus frappant en est Cézanne dont les deux toiles représentant les bords de la rivière expriment, peut-être mieux que tous les autres tableaux, les contrastes et couleurs particulières à cette rivière, au point de nous faire presque oublier les reflets de la lumière aixoise sur les rochers et les pins de la Sainte-Victoire.