Les années 70 n’étaient pas enterrées depuis très longtemps. David Bowie venait de les survoler avec aisance -celle d’un dandy acide- déconcertante. Au regard de bon nombre de productions actuelles (celles de ses épigones), on se dit que l’éclectisme et l’inventivité de ses compositions (pas mal de chefs-d’œuvre visionnaires, et quelques merdes aussi), l’audace et les fulgurances qui les traversaient étaient le signe d’un extraordinaire talent. Pour qui souhaite encore s’y plonger, sa discographie -de The Man Who Sold The World à Scary Monsters (And Super Creeps)– constitue une formidable odyssée sur l’histoire du rock. Tout était dit en substance, notamment dans ses textes (même s’ils frôlaient parfois le grotesque) retraçant la légende de cette musique. Mais il est dur de voir vieillir ses héros. La décennie 80 fut une cruelle déception. Bowie épousa de manière outrancière le cynisme (un juste retour des choses après avoir été spolié sur ses chansons durant dix longues années par un manager cupide) d’une époque résolue à se vendre au plus offrant. La magie particulière qui émanait de ses disques disparut et sa personnalité se dilua dans une représentation proche du phénomène de foire. Bowie s’absenta, alors qu’il était paradoxalement omniprésent, sur scène, dans les médias. Sa nouvelle association avec Brian Eno lui a cependant permis de renouer, en 1995, au-delà de ses prétentions à tout intellectualiser, avec son temps. A ce titre, il demeure un témoin privilégier des phénomènes artistiques contemporains.
Nicolas Ungemuth ne nous dit pas autre chose. Dans cet essai concis et précis, et sans complaisance vis à vis de l’artiste, il retrace l’itinéraire de ce nomade, éternel outsider dont on annonça régulièrement la mort (artistique), mais dont la présence est bien réelle.