Second roman de Mick Jackson après un The Underground man unanimement salué par la critique, Cinq garçons est des plus particuliers, au point qu’une question demeure quand on le referme : qu’a-t-il donc voulu écrire ? L’écriture est certes irréprochable, mais ce « roman » (titre original : Five boys : a novel…) ressemble plutôt à un ensemble disparate de nouvelles mettant en scène les personnages d’un même village du sud de l’Angleterre. Ce qui est pour le moins déstabilisant. Alors qu’on s’attache tout juste à la trame de l’histoire, on en sort pour ne plus la retrouver à aucun moment, même si certaines figures clefs sont présentes tout au long du livre. Difficile, dès lors, de pénétrer le  » roman « , puisque c’en est vraiment un. Et pourtant, prises indépendamment les uns des autres, la plupart des curieux « chapitres » qu’on y découvre sont de véritables bijoux qui, sans cesse, nous ramènent aux émerveillement de l’enfance.

Tout commence avec Bobby. Bombardements sur Londres : les enfants sont envoyés en villégiature, loin, en sécurité. Un bus l’emmène dans un petit village où il est accueilli par une vieille fille un peu austère, qui se prend d’affection pour lui. Il suit une vie presque normale, si on oublie les persécutions dont il est victime par les « Cinq garçons », cinq gamins du village convaincus qu’il est un espion nazi. Avant qu’ils ne deviennent amis bien sûr. C’est le début de leurs « aventures », pimentées par la fraîcheur du petit londonien qui découvre pour la première fois la campagne, ses coutumes et ses personnages hauts en couleurs. Puis c’est la première rupture : les GI’s arrivent dans la région et évacuent une partie des maisons. Celle de Bobby et de sa tante d’adoption fait partie du lot. Envoyé à quelques kilomètres de là, le gamin sort de l’histoire dont il était jusqu’alors la pièce centrale ; on ne le retrouvera qu’une fois la guerre finie, avant qu’il reparte pour Londres. Vient ensuite une série d’historiettes : le sauvetage original d’un cochon très convoité hors de la zone évacuée, une fête (moment de bonheur et d’évasion qui rassemble soldats et femmes du pays le temps d’une soirée), l’apparition d’un américain resté sur place quand ses compatriotes sont partis pour la Normandie, la dératisation d’une ferme et son sous-sol… Seuls les Five boys donnent à ce bric-à-brac un semblant de cohérence. Ils reprennent les commandes pour le deuxième grand moment du livre : le séjour entouré de mystère du « Roi des abeilles », vieil homme surgi de nulle part qui s’occupe de ses ruches et ne parle à personne d’autre qu’à eux. Jusqu’à ce que les masques ne tombent et que tout ne s’éclaire un peu.

Voilà pour l’histoire ; aussi décousue soit-elle, elle est un appel vivant aux rites de l’enfance, au fin fond de campagnes où on croit toujours qu’il ne se passe rien. Il n’y a qu’à demander aux enfants ce qu’on peut faire de petits riens : mis bout à bout, ils forment l’histoire, celle de ces souvenirs qu’on garde toujours précieusement avec une seule crainte, celle de les laisser s’effacer. Grâce à Cinq garçons, elles sont définitivement présentes, ancrées dans nos mémoires. Il suffit de ne pas les oublier.