Tout le monde en parle parce que tout le monde en parle. L’O.P. Houellebecq n’a pas encore commencé qu’une odeur de sous-scandale anime déjà les colonnes des quotidiens : le Guide du Routard traînerait l’auteur en justice pour atteinte à l’image de la publication touristique. On est loin de l’agitation intellectuelle qui avait accompagné la sortie des Particules élémentaires, agitation orchestrée bien malgré eux par les activistes de Perpendiculaires. Logique puisque Plateforme, troisième « vrai » roman de l’auteur français (on oubliera Lanzarote, objet inachevé pour faire patienter le chaland), tape dans le consensuel houellebecquien. Le secret de ce succès obligatoire et du parfum de soufre qui l’entoure : une dose de déprime sexuelle à portée diverse (touchante, déprimante ou comique selon le lectorat), quelques écarts de philosophie de comptoir (les musulmans, tous des fondamentalistes et des terroristes) et une apologie assez inédite du tourisme sexuel. Tout pour faire un bon Goncourt gentiment controversé.

Il n’empêche, si la recette -trop facile et attendue- peut agacer, la maîtrise narrative et stylistique de Houellebecq impressionne. Depuis Extension du domaine de la lutte, l’écrivain déjà confirmé a épuré sa langue et aiguisé sa ponctuation. Dommage que Plateforme déçoive par son manque d’ambition : Houellebecq singe Houellebecq, imposant une resucée des thématiques chères à son œuvre et à sa petite personne. Reprenant l’idée esquissée dans Lanzarote (le tourisme sexuel), Houellebecq signe un roman qui constate l’apogée de la marchandise marchande, de la mondialisation du plaisir et du besoin pressant de se vider les couilles à tous moments de la journée. Un mélange déjà-vu qui fonctionne sur des ressorts comiques en prise directe avec le mal-être du personnage principal du roman (Michel), déprimé sexuel à la petite semaine et instigateur, avec sa compagne Valérie, d’une grande chaîne de circuits touristiques à caractère uniquement érotique. Houellebecq balaye du même coup toute polémique sur son soi-disant penchant misogyne : Valérie est le plus beau personnage féminin de l’œuvre de l’auteur, touchante dans son rôle schizophrénique de femme active et de compagne aimante. Un livre de plage qui arrondit les angles et installe un peu plus Houellebecq dans son rôle d’intouchable.