La neige, c’est blanc. Mais ce n’est pas que ça. Ce que fait Maxence Fermine avec Neige, c’est nous montrer que non seulement, la neige, c’est blanc, mais qu’en plus, la neige, c’est à la fois la douceur et la froideur, la mort et l’amour, la sécheresse et la plénitude, l’éternité et l’éphémère. Vaste programme, surtout pour ceux qui n’aiment pas la neige. L’éditeur prévient qu’il s’agit d’un premier roman. C’est faux. On ne peut pas appeler « premier roman » ce livre. On dira un conte, mais on sera plus près de la vérité en disant un petit tableau, une miniature, une estampe, une expérimentation à la lisière de la littérature et de la peinture. L’histoire est simple, presque inintéressante, au fond. « Yuko Akita avait deux passions. Le haïku. Et la neige. » Le haïku est, précise-t-il en guise de préambule, « un court poème composé de trois vers et de dix-sept syllabes. Pas une de plus ». D’emblée, le ton s’impose, déconcertant à force de simplicité. Enfantin, presque : « La neige est un poème. Un poème qui tombe des nuages en flocons blancs et légers. Ce poème vient de la bouche du ciel, de la main de Dieu. Il porte un nom. Un nom d’une blancheur éclatante. Neige. »

On l’aura compris : les deux passions de Yuko sont les deux visages d’une même chose, la neige étant un haïku intitulé « neige ». Le cercle comme figure de l’harmonie, déjà…Yuko part dans la montagne où il vit dans et par la neige. Il écrit 77 haïkaï par an, avec une régularité et une symbolique des nombres tout orientale. Un jour, un envoyé de l’empereur arrive chez le jeune homme qui revient de la montagne et lui annonce que sa poésie est trop blanche, qu’il doit lui donner des couleurs pour qu’elle ne « reste pas invisible aux yeux du monde ». Pour cela, il doit suivre l’enseignement de maître Soseki. Une véritable rencontre aura lieu. On est déconcerté. L’expression est tendue, mais jamais menacée par la rupture. Sûre d’elle-même. Point de rêverie mallarméenne sur la blancheur, mais beaucoup mieux : par cette neige, on accède à l’amour. Un hommage à la pureté, certes, mais jamais niais. Oui, ce livre est un livre unique, une tentative pour transformer la peinture en objet littéraire, alors que précisément le héros du roman tente de réaliser l’opération inverse, transformer en peinture sa poésie. On pourra dire qu’on a là une mise en abyme en miroir, une recherche de l’absolu minimalisme ; on pourra sortir toutes les considérations métalittéraires que l’on veut, ce n’est pas là ce qui se joue dans Neige. On est ici dans l’inédit, dans l’inclassable, dans l’étonnant. Et l’on se prend soudain à détester le soleil, qui comme on le sait fait fondre la neige.