Les meurtres perpétrés par souci de morale et de justice sont les seuls qui vaillent. Ainsi pourrait se résumer ce recueil de courts textes paru au Mexique en 1956. Son auteur étant le trop méconnu Max Aub, issu d’une famille qui vécut l’exil, lui-même insoumis à tout ordre qui ne soit pas le sien.

De ces Crimes exemplaires il faut citer quelques passages. Cela vaut tout discours sur la question. Morceau choisi donc : « Nous étions allés chasser les canards sauvages. Je me suis mis à l’affût. Qu’est-ce qui a bien pu me pousser à mettre en joue ce gros, rondouillard et ridicule, avec son chapeau tyrolien, sa plume et tout… ? » Et encore : « Il était plus intelligent que moi, plus riche que moi, plus généreux que moi, plus grand que moi, plus beau que moi, plus malin que moi ; il s’habillait mieux, parlait mieux. Si vous ne trouvez pas que ce sont là des excuses, c’est que vous êtes fous. J’ai longtemps pensé à la manière de me débarrasser de lui mais j’ai mal fait en l’empoisonnant : il a trop souffert. Cela je le regrette, j’aurais aimé qu’il meure d’un coup. » Tout est à l’avenant. Aucune moralité n’est à retirer de tout cela. Il serait pourtant salutaire de lire ces historiettes pour ce qu’elles sont : une opération de salubrité publique. Pour ne pas se laisser abattre, un petit dernier : « – comment peut-on m’accuser de l’avoir tué alors que j’avais oublié que mon pistolet était chargé ? Tout le monde sait que je n’ai pas de mémoire. Alors maintenant on va dire que c’est ma faute ? Ça, c’est un comble ! »

Ces fragments d’une rare jubilation, reconnaissons-le, inconvenance nous ravissent (dans la mesure où ils reflètent parfaitement notre humeur présente). Et si les revolvers revenaient à la mode ?