Qu’on aime ou non Martin Amis, l’enfant terrible des lettres britanniques, il est difficile de ne pas saluer en lui un maître du style, un artisan de la phrase bien balancée. Les chroniques, éditoriaux et nouvelles repris dans Le Deuxième avion, 11 septembre : 2001-2007 ne font pas exception. Amis le satiriste livre, à travers cette quinzaine de textes, son analyse des conséquences du 11 septembre, sa lecture de l’islamisme radical, sa critique du terrorisme, et au-delà, du religieux. « Soyons clair : une idéologie est un système de croyances insuffisamment fondé dans la réalité ; une religion est un système de croyance dénué de tout fondement dans la réalité ». Plusieurs de ces écrits, et d’autres du romancier, on suscité de vives critiques, alimentés des polémiques plus ou moins stériles – la plus médiatisée étant celle qui l’a opposé à l’éminent théoricien et critique littéraire Terry Eagleton. Alors, islamophobe, Amis ? Croisé d’un anti-islamisme sans fard ? Lui assure que non : « On m’a demandé un jour : Etes-vous islamophobe ? Et la réponse est non. Je suis islamistophobe, ou, mieux encore, je suis anti-islamiste, parce qu’une phobie est une peur irrationnelle, et qu’il n’est pas d’avoir peur de quelque chose qui annonce qu’il veut nous tuer ».

Amis serait donc plutôt le compilateur vorace de théories multiples et pour le moins éclectiques. Car s’il est une chose que ces différents textes confirment, c’est qu’après les attaques du 11 septembre, Martin Amis a lu. S’est documenté. A appris. Cherché à comprendre. Ses écrits s’en ressentent, qui citent écrivains, théoriciens, philosophes plus ou moins connus et de tous bords, y compris les tenants de l’islamisme radical. La réponse d’Amis aux attaques du 11 septembre passe par l’apprentissage. La réflexion. Sa réponse au vide passe par l’intellectualisation du fait. Peut-être, comme il l’explique, parce qu’« après quelques heures à leur bureau, le 12 septembre, tous les romanciers de la terre réfléchissaient à la solution que Lénine avait proposé d’un ton menaçant à Maxime Gorki : changer de métier ».

Seul problème, et d’ailleurs, il l’avoue : Amis n’est pas un expert ès relations internationales. « La géopolitique n’est sans doute pas mon thème naturel », écrit-il en introduction, (soulignant que ses textes, souvent des réactions à chaud, ne sont pas exonérés de maladresses) ; « mais la masculinité l’est. Et avons-nous jamais perçu le concept de virilité dans des costumes aussi outrageux que les djellabas, les treillis, les complets cravates, les jeans, les survêtements et les blouses médicales de l’islamiste radical ? ». Amis, donc, postule que la réponse à l’islamisme radical viendra des femmes, une idée développée notamment dans « Terreur et ennui : l’esprit assujetti », publié en septembre 2006 dans The Observer. Ses réponses sont fourre-tout, brouillonnes ; les idées partent dans tous les sens, perdent parfois leur ligne (quel intérêt de développer sur plusieurs pages un débat de premier plan sur la transformation de l’appellation 11-Septembre en 9/11, quand, dans la plupart des calendriers, on dit 11/9 ?) Néanmoins, il y a souvent un élan dans ces analyses, qui les porte. Et qu’on ne trouve pas dans les deux nouvelles du recueil, « Les derniers jours de Mohammed Atta » et « Dans le palais de la Fin », caricaturales à l’extrême.

A retenir sans doute aussi : une forme de fraîcheur, comme dans « En route avec Tony Blair », récit de voyage aux côtés du Premier Ministre britannique, en passe de céder sa place à Gordon Brown, en juin 2007. Incontestablement, le meilleur morceau du recueil : mais Amis finalement y parle de ce qu’il connaît bien. Et puis, en forme de conclusion, ce constat : « S’il fallait que le 11-Septembre advienne, je ne suis absolument pas désolé qu’il soit advenu de mon vivant ».