Les périodes mouvementées sont pain béni pour les mémorialistes, car quel que soit leur rôle et leur qualité de prosateur, les événements narrés suffisent, bien souvent, à l’intérêt de leurs ouvrages.
Tel n’est pas le cas du marquis de La Maisonfort, dont le caractère aimable et attachant, tout autant que l’esprit spirituel et brillant, donnent à ses Mémoires un ton libre et merveilleusement enlevé doublé d’une verve jamais au repos.

Ainsi parcourons-nous les années d’avant la Révolution Française dans une franche insouciance, où seuls les plaisirs amoureux et littéraires trouvent leur place. Puis viennent les années d’errance, car malgré ses opinions « philosophiques », La Maisonfort, effrayé par les premiers événements révolutionnaires, prend résolument le parti des royalistes émigrés. Il se retrouve donc à parcourir l’Europe au gré des succès et des insuccès de l’armée française. Agent royaliste jouant un rôle certain dans les événements qu’il vit, n’arrêtant pas d’écrire et de faire publier divers morceaux de théâtre inspirés par l’air du temps et, plus important, quelques pamphlets politiques (Dictionnaire des hommes marquants, L’État réel de la France, L’État réel de l’Europe et surtout un Tableau politique de l’Europe), il finit, après vingt ans de perpétuels mouvements, par s’installer auprès du futur Louis XVIII. Cela, avant de le suivre durant la Restauration, pour finir, affaibli par la maladie, dans la carrière diplomatique.
Comme on le devine, les péripéties, les aventures, les retournements de fortune ne manquent pas ; pas plus d’ailleurs que les portraits, finement tracés, des personnalité politiques ou littéraires de l’époque.
Cet homme, intransigeant sur la question de son honneur personnel, fidèle à ses engagements, brillant causeur, plein d’esprit et marchant avec son temps d’un pas léger, parfois presque frivole, nous offre ainsi un tableau extrêmement attachant et vivant de son époque.