Marlène Soreda signe un premier roman aux couleurs autobiographiques : souvenirs d’une enfance algérienne irrémédiablement blessée par la guerre, souvenirs fantômes d’un premier amour mais aussi de mille choses confuses qui semblent sortir comme ça au fil de son écriture. Adélia ou l’égarement égare son lecteur dans le nombril d’une enfant qui ne se situe pas dans un monde d’adulte où l’on boit, s’écorche, se tue, où l’on fait l’amour aussi. La poésie, omniprésente dans ses lignes, fait office de voile plutôt que de révélateur de sensations. Loin de répondre à un questionnement du réel, elle entretient l’égarement.

Adélia, c’est aussi une lettre adressée à un pianiste professeur de chant, figure aimée, idéalisée et inaccessible, à laquelle la jeune Aïda s’adresse sans trop y croire, sur un ton presque de reproche. Le vouvoiement obstiné qu’elle lui voue en dit long sur l’abîme infranchissable qui les sépare. Le moi de la narratrice est un moi brumeux sur rumeurs de guerre, que le jour ne perce vraiment que lors de violents face à face avec la mort. Vu au travers de ses désirs, de ses premières rancœurs, le monde d’Aïda Entwald est formidablement flou.
L’écriture de Marlène Soreda est riche en promesses mais, dans son ensemble, son roman ressemble à l’envol de l’Albatros ; à ceci près qu’à la fin de la piste, il ne décolle pas. Adélia est un roman singulier qui affirme la souveraineté de l’égarement dans la vie d’Aïda Entwald, la narratrice, fille de la guerre, de la rencontre du Nord et du Sud.