Vous rêviez d’un Far West où la famille Ingalls cesse de couper du bois et soit zombifiée une bonne fois pour toute ? Mark Summer vous exauce en explorant les grands espaces du western fantasy, et ça sent bon la sueur, le whisky frelaté et la magie. Dans son original La Tour du diable, les Etats-Unis ne sont plus vraiment ce qu’ils étaient depuis que les morts de Shiloh, l’un des plus horribles carnages de la guerre de Sécession, sont revenus d’outre-tombe. Le territoire américain est devenu la proie de pouvoirs surnaturels et de créatures fantasmatiques. Il ne suffit plus pour les shérifs de tirer plus vite que leur ombre, il leur faut aussi découvrir et maîtriser leurs talents magiques afin d’affermir leur autorité en affrontant l’épreuve du duel. C’est justement autour de l’omniprésente thématique du duel que se trame l’intrigue. De classique moyen de règlement de compte, il prendra l’envergure d’une lutte éternelle entre le Bien et le Mal.
Ce combat se déroule également dans le for intérieur du jeune héros Jake Bird, traumatisé par la mort de son père, shérif assassiné par l’infâme Custer. Chaque duel sera pour lui un passage initiatique qui lui fera découvrir le courage, le respect, l’abnégation et l’amour. Bardé de ces vertus qui composent peut-être son véritable talent, il pourra se poser en champion de dimension archangélique. Mais le choix du Bien s’exprime aussi dans un idéal de société, ses alliés étant les exclus d’une Amérique blanche, bien-pensante et sans vergogne, prompte à se ranger du côté du plus fort. Quant aux néfastes de l’histoire, ils sont magnifiquement réussis, tous incarnant un vice particulier. Ainsi, Custer est-il le parangon du salaud diabolique aux ambitions totalitaires et aux volontés exterminatrices des différences.
L’apparente simplicité manichéenne du roman de Summer apparaît comme l’inversion voulue des valeurs et des héros du Western classique. La conquête de l’Ouest perd ici de son vernis légendaire mais gagne, comme lieu exemplaire des déchaînements des instincts et des conflits de l’âme humaine, une ampleur mythique.