Marcus Malte est un maître de l’ambiance, ses nouvelles une fois encore le démontrent. A travers trois récits, d’abord, dans Toute la nuit devant nous : à l’occasion d’une colonie de vacances, Mestrel noue une étrange amitié ; des adolescents écolos décident d’en finir ; un footballeur, du fond de sa cellule rêve ce qu’il aurait pu être et ne sera jamais. A travers quatre monologues, ensuite, dans la réédition de Intérieur nord : celui de ce musher désemparé, laissé seul sans espoirs au milieu de ses chiens de traîneau, tandis que la neige tombe ; celui de ce fils qui cherche sa mère ; celui de ce père qui cherche son fils ; celui de ce commercial ordinaire, aux amours brisés. Des voix d’homme, presque exclusivement, pour des histoires simples de gens qui perdent le fil, confrontés à une réalité qu’ils sont incapables de surmonter, à des déchirures, des angoisses, des souvenirs impossibles à effacer. Une porte ouverte sur des imaginaires tourmentés.

Si les textes de ces deux recueils n’engendrent pas tous la même fascination que celle qu’on trouvait dans Garden of love, ils utilisent néanmoins de la même façon un rapport étroit à l’ambigu, l’inconnu, l’indéfinissable. Que se passe-t-il dans ce château en ruines où les gamins sont envoyés en colonie ? Pourquoi ces ados apparemment ordinaires se rebaptisent-ils de noms de fleurs ? Qu’est ce qui peut conduire un homme des stades de foot à la prison ? Malte joue du contraste entre l’enfance et l’âge adulte, de la difficulté à franchir un cap, à s’affranchir de ses terreurs. Grandir, comme mourir un peu. A l’arrivée, des nouvelles noires, très noires, dans lesquelles l’apparente banalité du récit est transcendée par l’écriture, apte à créer une tension extrême, jamais dénuée de poésie, propre à développer un étrange malaise, une sourde angoisse. Le destin chez Malte n’est pas rose ; le plus difficile, sans doute, étant d’apprendre à vivre face à soi-même.