A l’occasion de l’exposition Les Années pop, le Centre Pompidou publie un volumineux catalogue, dont la direction a été confiée à Mark Francis, spécialiste d’Andy Warhol.
Exit les supports sonores qui baignent d’entrée l’exposition. Les textes de circonstance évacués, ce catalogue (non paginé) s’ouvre sur une déclaration de Richard Hamilton, un ultimatum ayant valeur d’invitation : « Pop Art is : Popular (designed for mass audience), Transient (short-term solution), Expendable (easily forgotten), Low cost, Mass produced, Young (Aimed at youth), Witty, Sexy, Gimmicky, Glamarous, Big business. This is just the beginning. »* Le ton est donné, et à deux textes de Roland Barthes sur le plastique et la nouvelle Citroën fait pendant la reproduction bichrome du manuscrit original, sous forme de rouleau de papier, d’On the road de Jack Kerouac, aux allures d’incunable avant l’heure.

Si ce catalogue se présente d’ores et déjà comme une somme essentielle sur l’une des périodes les plus fécondes et originales du xxe siècle, il s’écarte manifestement des autres productions du musée parisien. En effet, priorité est ici donnée à l’image déclinée sous toutes ses formes ; les textes très largement minoritaires étant pour l’essentiel empruntés aux écrits de l’époque, à l’exception des contributions en fin de volume de Catherine Grenier (Nouveaux réalismes et Pop Art, l’art sans l’art), Jean-Michel Bouhours (Bagdad-Hollywood), Martine Lobjoy (Utopies, contestations et réalités à travers le design industriel et graphique) et Chantal Béret (Une architecture Pop ?). Livre de collages donc, de surimpressions, où sur la même double page Warhol (Dick Tracy, Superman) côtoie Edward Rusha (Felix), tandis que George Brecht (Chair event) voisine avec Robert Indiana (Orb). Collages où se mêlent aux arts plastiques l’architecture, la mode et le design. Préfiguration en quelque sorte du postmodernisme, à moins qu’il ne s’agisse d’un retour en grâce du patchwork…

Conçues (avec succès) pour séduire et envisagées de manière chronologique, Les Années pop sont une invitation à la légèreté, un appel à la consommation et à l’insouciance, un hommage/diatribe à l’industrialisation. Au gré de ses pages glacées et chargées, le pop art apparaît plus encore comme l’annonce du monde dans lequel nous vivons, un monde hypermédiatisé et chargé de clichés, où ceux-ci constituent le prétexte à tous les détournements.

Livre appât sensuel, introduit par les lèvres rouges et pulpeuses d’une Marilyn Monroe que l’on imagine au sommet de sa beauté (Andy Warhol, Shot sage blue Marilyn), le catalogue s’achève avec la photographie en noir et blanc d’un Michelangelo Antonioni gravissant au pas de course une improbable route au milieu d’un désert pendant le tournage de Zabriskie Point. Ce qui permet de souligner au passage, si besoin était, l’importance qui y est accordée au cinéma.

Cependant, s’il n’était pas possible de rendre compte en 420 pages d’une période aussi féconde, comme le souligne Mark Francis dans son texte d’ouverture, que chacun se rassure. Les amateurs de Roy Lichtenstein et des Rolling Stones, les fans de Warhol et du Velvet Underground, les amoureux de Jean Seberg et de la divine Edie Sedgwick ne sont pas au bout de leurs surprises.

Les Années pop sont un de ces ouvrages indispensables, dont le rose « bonbon » de la couverture, en égayant plus d’une bibliothèque, rappellera à ceux qui avaient trop tôt enterré le pop que si celui-ci est mort, c’est que nous le sommes aussi.

* « Le pop art est : populaire (conçu pour un grand public), éphémère (solution à court terme), consommable (facilement oublié), bon marché, fabriqué en série, jeune (destiné aux jeunes), spirituel, érotique, fantaisiste, glamour, lucratif. Ce n’est qu’un début «