Il existe incontestablement un art du bref. Cet art, Luis Sepulveda le maîtrise à merveille. C’est aussi un écrivain prolixe, une tête couronnée par plusieurs prix prestigieux. Il n’en éprouve aucune lassitude. C’est dire s’il est bien armé pour poursuivre son œuvre : des procorps lui interdisent de sombrer dans le ridicule. Ainsi, l’humour est sa vertu première. Il l’exerce tout au long de scènes où le grotesque se mêle à la bouffonnerie. Certaines d’entre elles sont cependant mâtinées de mélancolie (généralement, une femme apparaît dans le tableau à cet instant-là, et le lecteur n’en éprouve que plus de plaisir). Selon son humeur, ses créatures -un inspecteur muté à Santagio enquête sur le téléphone rose dans Hot Line ; un autre inspecteur dépêché à Milan suit la trace d’un sorcier dans Yacaré– si vivantes évoluent à travers des éclairages changeants, qui apportent chaque fois leur justification, car ils sont la condition de progression du récit. C’est ce qu’il nous enseigne dans ces deux longues nouvelles -courts romans ? La brièveté lui va bien. Pas un mot de trop dans ces pages où la dérision est donc de mise. On ne résumera pas ces intrigues d’une simplicité biblique. On soulignera cependant que trouver de la profondeur avec autant de légèreté dans le ton relève de facultés hors du commun (lorsqu’il est en forme, Jean-Luc Coatalem s’en approche). Ce don est permanent chez lui.