On imagine aisément la brutalité avec laquelle les événements de la Commune entrèrent dans le petit monde de l’art parisien du XIXe siècle. Petit monde évoluant de salons en expositions, bourgeois et conservateur, qui ne pardonna jamais à l’un de ceux qu’il avait portés au sommet, le peintre Gustave Courbet, de participer activement au soulèvement populaire. Poursuivi pour « attentat, excitation et levée de troupes, usurpation de fonctions et complicité de destruction », Courbet sera condamné, puis volontairement exclu des grandes manifestations picturales. Il meurt en 1877 dans l’exil et l’oubli. Il faudra plusieurs années avant que les bourgeois de Paris le réintègrent dans le panthéon des grands peintres du siècle. Le principal mérite des textes de Courbet et la Commune est de montrer quels furent les moyens employés par les conservateurs de la presse et des arts pour accomplir cet implacable travail de destruction d’un homme et de ses œuvres. Attaques mensongères, caricatures avilissantes, soupçons infondés, jugements péremptoires, tout l’arsenal de la haine fut utilisé par ses ennemis, d’autant plus fielleux qu’ils étaient artistiquement jaloux, d’autant plus méchants qu’ils défendaient politiquement leur caste et leur classe.

La Commune photographiée présente une partie importantes des clichés dont nous disposons sur les événements de la Commune. Plusieurs ensembles peuvent en être dégagés : « reportages » pris sur le vif durant les soixante-douze jours de l’insurrection, portraits réalisés en atelier des principales personnalités politiques d’alors, série de « tableaux » photographiques des ruines de la ville et de ses monuments, enfin premiers « photomontages politiques » destinés à illustrer la violence et la barbarie des… insurgés. A la lecture du livre, l’étonnement vient surtout de la permanence des enjeux qui se posent alors, sensiblement identiques aux questions éthiques et politiques auxquelles donnent aujourd’hui lieu reportages écrits ou filmés et photographies. Premier grand événement politique à faire l’objet, en France, d’un important traitement photographique, la Commune éclaire la manière dont les hommes d’images, entre convictions (le plus souvent conservatrices) et intérêts économiques, entrent dans l’histoire pour la mettre à leur service et la plier à leur idéologie. Au-delà de ses surprenantes illustrations, La Commune photographiée est à lire absolument par tous ceux qui s’intéressent à la question des enjeux politiques des images.