OATES FLOP ! Ingrid Boone, comme beaucoup d’enfants, aime son papa. Mais tous les papa ne sont pas comme le sien. Le sien est vraiment le plus fort. Ancien aviateur mal-revenu du Vietnam, un peu violent et tueur sur les bords, assez alcoolique pour se laisser emporter par une irrépressible violence, le papa d’Ingrid Boone n’est pas facile à vivre. Même s’il n’est jamais à la maison. Il a profondément marqué le cœur d’Ingrid, si bien que quelque chose l’empêche à présent de vivre tout à fait. Un nœud inextricable. Nœud Œdipien par excellence qui ne trouve son dénouement que dans une impitoyable automutilation. Il lui faudra apprendre, tout au fond de la fange, « qu’elle existe, même quand elle ne souffre pas ».

On a une très belle machine à faire couler les larmes et à branler les ados dans leur mal-être. On voudrait répondre cependant, juste pour jouer, qu’il n’est pas si sûr qu’on existe beaucoup quand on ne souffre pas, mais ce n’est pas à la mode de le dire et on ne le dira pas. En tout cas, ne serait-ce que par procuration, le lecteur peut jouir des vrais malaises d’Ingrid Boone, et c’est d’autant plus rassurant pour lui que, dès le début (le protocole d’écriture se renifle à plein nez), on sait que tout finira bien dans une méga-résolution œdipienne. Le jour de la Rédemption viendra mais, en attendant, et pour entretenir la suave illusion, on peut toujours lire ce bouquin… Evidemment, Joyce Carol Oates n’en est pas à son premier livre (c’est le 30e), et c’est devenu un peu une routine pour elle. Elle fait couler l’encre dans les proportions exactes de SM, de langage crû (mais si bien soutenu dans son ensemble), de malaises (j’aime pourtant l’esthétique de la crapule, du laid et du furoncle), qu’il n’y a pas de crainte à avoir, Oates signe forcément de la grande littérature. Il faudrait être Serbe pour dire le contraire. Ajoutons à cela que le graphisme de Stock (intertitres typographiquement scandaleux) est le déni même du récit. C’est certain, Oates n’a pas écrit là son meilleur livre mais il résistera aux grains de sable cet été sur les plages de Palavas ou de la Grande Motte, quand son lecteur, définitivement lassé, se sera mis en quête d’un peu plus de matière…