Les femmes de chambres se sont longtemps enthousiasmé à la lecture de ces Instructions. Rien ne nous dit, même pas une rébellion, qu’elles aient pris la juste mesure de l’ironie railleuse de cet irlandais d’adoption. Car malgré son souci pour la justice, Jonathan Swift parla rudement des dames. Prenons pour preuve, parmi tant d’autres, ce trait de cynisme : « Une très petite dose d’esprit est estimée dans une femme, comme nous aimons quelques mots prononcés nettement par un perroquet. »Côtoyant les domestiques de près, lui-même assigné fréquemment à des tâches subalternes, il avait quelque raison de s’intéresser au sort des serviteurs. Ce traité de bonne conduite en fait foi. Sa virulence n’a d’égal que sa lucidité. Il est regrettable que les maîtres n’aient pas su tirer, en leur temps, un meilleur profit de ce manuel (on y décèle déjà les prémices de la dialectique « maître-serviteur » chère à Hegel, qui ne fit que pervertir l’idée).Démasquant les faux-semblants, pourfendant les apparences sociales, Swift donna à cette satire la puissance du génie. Plus de deux siècles après, la leçon est toujours valable, mais apparemment toujours aussi mal retenue. La férocité du propos ne doit pas y être étrangère.