Lorsqu’on se penchera avec un minimum de lucidité sur ce que représenta « l’ère Thatcher » en termes de déshumanisation d’une société, la relecture d’un roman de mœurs tournant au jeu de massacre s’imposera : Testament à l’anglaise.

Le destin de Michael Owens, nègre d’une vieille peau tyrannique lui demandant d’enquêter sur une dynastie – les Winshaw – de financiers arrivistes (le pléonasme est permis), bascule à ce moment là. Il ne soupçonne pas encore à quel point sa vie est liée à ces yuppies si caractéristiques des années 80, 90, usw. (éternel retour du même). L’intrigue, partant dans de multiples ramifications, ne mérite pas d’être racontée dans son intégralité. Tenons-en nous là. Car seul le pouvoir d’évocation de Jonathan Coe, prenant appui sur une narration complexe où se mêlent les parodies successives d’illustres aînés, parmi lesquels on compte Ian Fleming et Conan Doyle pour la vaine policière, les clins d’œil aux feuilletons mythiques des années 60 (Chapeau melon…, Le Prisonnier etc.), le ludisme des scènes où il ridiculise la libido de ces messieurs, mérite qu’on s’y arrête. Voilà tout ce qui vous sera conté dans ces 700 pages (ne vous effrayez pas, une nuit suffit à les avaler) alertes, où le mordant des situations n’a d’égal que la galerie de portraits qu’elles comportent. Well ! La causticité est toujours une vertu bien british. Qui s’en plaindra ?

Martin Aston