C’est une histoire pleine de bruit et de fureur, écrite par quelqu’un qui n’est pas spécialement idiot, et qui signifie beaucoup. Celle du général Mihailovic, premier résistant, à une époque où d’autres pays européens étaient encore groggy, aux forces du IIIe Reich. A la tête de ses troupes cetniks, il mobilisa une partie du royaume yougoslave contre l’oppresseur, avant que le destin -digne des grandes tragédies- ne se retourne contre lui. Car malgré ses manœuvres judicieuses de guérilla (durant quatre années, de 1941 à 1945) pour mettre à mal les puissances mortifères des armées hitlériennes, mais aussi celles des partisans de Tito, devenues rapidement hostiles à son projet de fédération de toutes les communautés (du paysan au prince) susceptibles de réprimer l’ennemi, il succomba. Notons que cette deuxième guerre, guerre dans la guerre, était inattendue au milieu des déluges de fer qui s’abattaient sur le territoire. Mihailovic portait l’uniforme de la résistance et de l’honneur ; Tito celui de la « liberté » sacrifiée sur l’autel de l’utilité.

Le soutien des forces Alliés, dès ses premières actions, ne dura pas. La propagande s’installa. Le mensonge politique l’emporta en un rien de temps : des tractations entre Churchill et Staline auront raison de cet homme au regard décidé, mais qui ne convoitait pas la gloire. Seul De Gaulle, que l’on tenait informé, à Londres, par les journaux du lendemain, lui témoigna ses encouragements jusqu’à la fin de son combat. C’était avant que la honte ne recouvre tout. Cet acte cynique de Churchill, l’Occident (parlons plutôt de sa portion la plus réduite, l’Europe) n’a toujours pas fini d’en payer le prix. De sa trahison, de sa faiblesse et de son manque de clairvoyance découlent les désastres actuels.

L’Histoire est souvent très mal écrite. Elle trouve cependant, parfois, des accents de vérité. Voilà pourquoi le livre de Jean-Christophe Buisson est, dans ce temps de falsification généralisée, essentiel. C’est un chant douloureux nous rappelant d’autres ombres, celles des bannis de l’histoire officielle (un démocrate ne peut pas soupçonner la tendresse d’un cœur royaliste). Il nous prouve en tout cas qu’il n’existe pas que des biographies ratées. Le talent se manifeste aussi lorsque l’on évoque les horreurs de la guerre, la fraternité et la fidélité de quelques hommes, toutes choses qu’il ne vaut mieux pas crier trop fort à la face des politiques, parce qu’ils s’en moquent. Et que l’Histoire, quoi qu’on en dise, a toujours eu une fâcheuse tendance à bégayer.