Le Fanatique est le premier roman de James Robertson et, accessoirement, la meilleure vente jamais enregistrée pour un roman écossais. Cette fresque démontre, presque malgré elle semble-t-il, que l’histoire est un éternel recommencement : Robertson plonge au plus profond du redoutable obscurantisme du dix-septième siècle et évolue alors entre chasse au sorcières, conflits religieux et mise en scène de quelques unes des plus sombres heures de l’histoire écossaises, quand la question de la signature des covenanters, véritables fous de dieu, déchirait le pays. XVIIe siècle qui finalement trouve un écho, à moins qu’il ne s’agisse d’un aboutissement, dans l’Edimbourg de nos jours, quasi inchangée, gardienne de son histoire.

Tout commence lorsque Hugh Hardie cherche un nouveau fantôme bien vivant pour les balades folkloriques des touristes dans la vieille ville, le dernier en date ayant claqué la porte. Le hasard ou la chance le mettent en présence de Carlin, un ancien étudiant « rejeté par l’histoire » : chômeur, déprimé chronique en marge depuis des années, il a le physique de l’emploi et une  » incroyable faculté de déranger les autres sans rien faire, juste en étant soi-même « . Le voilà donc chargé de jouer le fantôme du Major Weir, ancien fanatique condamné en 1670 pour inceste et bestialité. Mais qui était réellement Weir ? Carlin se plonge dans l’étude de la période et de ses personnages, lesquels se mettent alors à envahir complètement son existence. Du Major Weir, il passe à James Mitchel, emprisonné en 1674 dans la prison du Roc de Bass (un caillou perdu au large d’Edimbourg, royaume des fous de Bassan) suite à sa tentative d’assassinat perpétrée sur la personne de l’évêque de Saint-Andrews. Carlin n’aura dès lors de cesse de conclure définitivement la reconstitution minutieuse qu’il a mise en mouvement, quitte à plonger dans l’obsession et la folie pour connaître l’entière vérité sur les faits et gestes de ces hommes, morts depuis des siècles. Jusqu’à prendre conscience par ce biais des questions qui depuis toujours le hantent et l’empêchent de vivre, comme si se plonger dans un lointain passé pouvait l’aider à faire la lumière sur sa propre identité.

En mettant en parallèle les vies de Carlin et Mitchel, Le Fanatique dévoile un pan obscur de l’histoire écossaise et révèle des enjeux initialement insoupçonnés. On passe de la quête identitaire, menacée par de curieux dédoublements de personnalité, à la réalité crue de l’incapacité à vivre avec les autres et à appréhender son existence ; quelles que soient les époques, les fractures restent les mêmes au sein des sociétés et l’exclusion est aussi facile, rapide, arbitraire. Ultime symbole, dernier retour au présent : l’élection du parlement écossais qui clôt le roman. Les travaillistes remplacent enfin les conservateurs. Force est de constater que les commentaires et la jubilation générale qui accompagnent cette victoire ne sont pas sans rappeler certains échanges entendus dans les mêmes murs, en d’autres occasions, quelques siècles auparavant.