Didier Hessling, personnage à la fois fascinant et repoussant, présente toutes les caractéristiques de l’antihéros. Heinrich Mann imagine un être à la fois ambitieux et pusillanime, exalté et sec, médiocre et sans scrupule. Le Sujet ! par excellence… pétri de zèle, envieux et paranoïaque, dont l’existence se réduit à dénoncer ses ennemis et à abattre ses concurrents. Ses passions pour l’argent et pour l’ascension sociale l’amènent aux pires traîtrises, allant jusqu’à reconnaître sa médiocrité et à essuyer les humiliations des plus influents que lui. Son inclination pour les coups bas remonte à l’enfance ; il n’hésite pas à tromper le cœur d’une jeune fille trop sentimentale, à se faire réformer lâchement en s’inventant un accident le dédouanant des sempiternelles excuses de pied-plat et autre souffle au cœur.

Heinrich Mann se lance dans l’évocation peu flatteuse de la société allemande du début du siècle. Certaines scènes à la fois cruelles et nauséabondes en deviennent grotesques. L’admiration de Didier pour son empereur tourne à l’obsession et à la schizophrénie. Curieux destin que celui de Hessling, né sujet, et par conséquent en perpétuelle recherche de brimades autant à subir qu’à exercer.