Italiques est un mélange de récits de voyages à travers cette péninsule italienne que Georges Borgeaud affectionnait tout particulièrement, et d’impressions, quelque temps avant sa mort, sur ce qui restait de ces escapades vieilles de 30 ans. L’auteur lui-même avait exprimé ce besoin de faire se croiser des pages écrites sur le vif, dans les années 60 (publiées à l’Age d’Homme en 1984, sous le même titre), et ses souvenirs sur ses années de vagabondage, donnant ainsi à cette réédition un relief particulier.

L’hommage est d’abord rendu à l’Italie. Certains chapitres sont dédiés tout spécialement à des amis, des écrivains, des connaissances. Ces récits de voyages -on pourrait même en parler au singulier, tant l’écriture et le parcours obéissent à une même appréhension du voyage- nous comblent. On rêverait de les écrire, on aimerait suivre ses traces, ou mieux encore, inventer son propre itinéraire, mais surtout trouver cette disponibilité, cet abandon de soi qui permet de tout voir, de tout entendre, de tout goûter. Borgeaud sait voyager. Il le dit lui-même : « J’ai toujours détesté les itinéraires, j’aime partir au hasard. Pour tout dire, je n’ai pas de plan.  » Et pourquoi ne pas lire son livre « au hasard ». C’est un délice supplémentaire de tomber sur une ville, sur une petite chapelle et apprendre juste ce qu’il faut pour avoir envie de faire sa valise… Il nous en dit juste assez, comme si les impressions étaient pour lui parfois trop brutales, parfois pas assez, mais que les mots allaient les trahir.
Et pourtant… avec quel talent, quel souci, il essaie de trouver des équivalents pour restituer le goût d’une figue mûrie au soleil et dont le sucre s’échappe par tous les pores, la grappe de raisin qui « se laisse prendre comme le sein d’une femme ». Sa connaissance de l’Italie, son attirance quasi mystique pour Venise ou pour Rome, ses rêves d’enfant qui trouvent enfin un visage, nourrissent sa pensée et l’orientent tantôt vers des formules d’une poésie infinie, tantôt vers des descriptions du plus parfait comique. Borgeaud n’est pas dupe des pièges à touristes ; il se plaît aussi à se faire lui-même berner. Il sait aussi s’engager sur des sentiers moins fréquentés et nous fait découvrir toutes sortes de lieux insolites, loin des regards avides de sensationnel. Splendeurs et travers de l’Italie, réunis dans ce texte assez unique en son genre.