Comment peut-on avoir aussi mal, aussi intimement mal ? Ressentir une douleur telle que seules l’errance et l’écriture vous tiennent lieu de passeport pour la vie ? Sur les traces d’un père disparu (suicidé), sur trois continents différents et à des époques distanciées, Frédéric-Yves Jeannet s’exile (où qu’ils se trouvent, les écrivains sont des exilés et traînent avec eux le « vide indéfini des nostalgies inutiles »). Dans cette sincérité qui lui fait aimer le monde ou haïr ses protagonistes qui se jouent la comédie, il ne cherche que lui-même. Maniant les images et les idées avec un identique souci de justesse, il s’offre, tout en saignant, à notre appétit de vérité.
Roman foisonnant, récit de l' »impossible » d’un homme contre le monde, c’est-à-dire tout contre, Cyclone tient à la fois du tour de force (Jeannet mit vingt ans à l’écrire) et de la dépossession (posséder, comme disait l’autre, n’est-ce pas se posséder soi-même ? Et uniquement cela). C’est le privilège d’un véritable auteur que d’atteindre au plus profond par la surface. C’est aussi par le refus de son cœur exigeant à se plier aux mensonges et aux servitudes du monde qu’il n’a aucun mal à faire naître l’émotion. La victoire, dans les lettres comme dans les armes, est à celui qui sait survivre. Avec courage, comme on quitte une ville parce qu’on ne peut plus y risquer sa peau.