Mais que se passe-t-il à Paris, en ce mois de mai 1968 ? On sent bien que quelque chose -à défaut d’arriver, mais qui peut le dire ?- est en train de se passer : la télé hurle, le poste de radio explose ; un peu partout en province, il y a des grèves et des AG dans les facs et les lycées, et pourtant, on dirait bien que tout nous arrive comme déformé, vaguement atténué, lointain en tout cas. C’est ce que dit Julien Madelaine, jeune médecin en apparence déprimé sortant de cure. Que faire ? Se barricader chez soi en buvant du bon Bordeaux, avec le risque que les voisins soit importunés par le bruit de la radio ? Et puis il y a les gens, la France profonde a son petit avis sur la question, entre incompréhension (« Mais enfin, qu’est-ce qu’ils veulent tous ces jeunes ? Il ont de la chance, ils font des études, eux ! ») et franche hostilité (« Des gamins, en plus… Avec cet Allemand qui les excite, là, le Juif qui fout sa merde partout, le Ben Condit !).

Une seule solution, prendre la bagnole et aller voir si Paris brûle vraiment. Alors il y va, le Julien. Et ça pète, mais lui, il n’est pas vraiment dans le rythme, il est comme un spectateur passif, il traverse les événements comme dans un rêve. L’astuce de François Laut (dont c’est ici le troisième roman), c’est ce décalage Paris / province, réalité / rêve, environnement / personnage principal. Ne vous fiez cependant pas aux apparences, Révolutions n’est pas une contestation de la contestation, c’est une chronique acide et amère sur la prise de conscience personnelle d’un homme par rapport à l’Histoire qui le traverse (au lieu du contraire).

Il ne faut donc pas confondre, ici, mise en perspective et critique politique. Julien Madelaine effectue finalement une révolution intime. Le jugement historique reste à la charge du lecteur…