Il arrive, rarement, qu’une illustration de couverture suffise pour vous décider à ouvrir le livre. C’est le cas ici, avec ce labrador noir occupé à consulter un iPad sur le trône. D’autant que le titre n’est pas mal non plus : Petit traité des privilèges de l’homme mûr (sous-titre : « et autres réflexions nocturnes »). L’auteur, Flemming Jensen, n’est pas inconnu en France ; Gaïa a plusieurs fois traduit cet humoriste danois né en 1948, romancier, animateur radio et auteur de one-man-shows, notamment Le Blues du braqueur de banques en 2012. Ce nouveau recueil est un petit volume de sketches, des textes qui font penser à l’humour débonnaire et pince-sans-rire des comiques anglo-saxons. Jensen y livre le fruit de ses réflexions nocturnes, celles d’un homme mûr incapable de dormir huit heures d’affilée sans se lever pour grignoter quelque chose ou vider sa vessie.

L’ensemble est inégal, mais les bons morceaux sont savoureux. Par exemple, Jensen philosophe sur les voyages en avion : tirade sur six pages, à mourir de rire quand il aborde le problème du passeport. « En tant qu’Européens, nous avons pris l’habitude de nous passer de passeport pour voyager au sein de l’espace Schengen ». Et pourtant, on prend toujours le sien. En effet : « Ce serait quand même idiot d’oublier son passeport puisque nous, qui n’avons pas besoin de passeport, en avons quand même besoin pour prouver que nous n’en avons pas parce que nous venons d’un pays où nous n’avons pas besoin d’en avoir un ». CQFD.

Ici ou là, Jensen intercale aussi des sortes de micro-nouvelles, presque des aphorismes, qui sont peut-être le meilleur du livre, comme la fleur de sel. En voici deux, pour la route. 1° « Sur la perte de poids. Ne jamais manger plus qu’on peut soulever ». 2° « Conséquences économiques. A chaque fois que l’on emprunte le pont de Storebaelt – quand on est à peu près au milieu – il est intéressant de se dire que chaque joint, chaque écrou, chaque petite chose qui maintient la cohésion de l’ensemble, a été conçu par l’entreprise qui a remporté l’appel d’offre sur devis : c’était le moins cher ».

Traduit du danois par Andreas Saint Bonnet.

Photo : Claus Bech