Félicité Herzog s’est fait connaître en 2012 avec Un héros, roman où elle évoquait son frère disparu et débinait son père, l’alpiniste Maurice Herzog, mort quelques mois plus tard. Elle abandonne aujourd’hui la veine autobiographique pour raconter l’odyssée d’un tycoon des télécoms, un Français sorti de nulle part avec des idées géniales, décidé à convaincre les investisseurs et à conquérir le monde. Sa première invention, c’est « Gratis », service de téléphonie en ligne lancé à l’orée des années 2000. Le succès est phénoménal, mais un revers de Bourse stoppe l’aventure. Ruiné, humilié, notre entrepreneur se retire alors à Jersey, reconstitue sa trésorerie puis, après dix ans de silence, lance un nouveau service, « New Birth », qui consiste à procurer une nouvelle vie à ses clients. En arrière-plan circulent diverses figures secondaires fabriquées dans le même carton-pâte, tout aussi peu crédibles que lui.

Les romans qui abordent le monde de l’entreprise et l’économie en général sont rares en France. (Entre de nombreux autres aspects, La théorie de l’information d’Aurélien Bellanger était passionnant aussi pour cette raison). Félicité Herzog, connue dans le civil pour sa carrière dans la banque (Lazard-frères, JP Morgan, etc.) et l’industrie (Areva), jouit par position d’une maîtrise naturelle de ces questions, ainsi que d’une documentation inépuisable. Les moyens littéraires, en revanche, lui font complètement défaut. Tout est poussif dans son roman, personnages, situations, construction, style. La langue, en particulier, est constamment maladroite, bancale, rebutante. On cherche les formules originales, le trait d’humour, le recul, mais tout reste plat, pataud, pâteux, à la limite, parfois, de l’intelligibilité.

Un exemple ? « Londres affichait, sans complexe, puissance médiatique, éducation militaire et leviers bancaires, ainsi que leur nécessaire imbrication ». Que signifie « afficher une imbrication » ? Qu’est-ce qu’un « levier bancaire » ? Les rapports parlementaires sont mieux écrits. Autre exemple : « Mon approche consistait à identifier les secteurs d’activité qui seraient l’objet d’une redistribution des cartes, pour des raisons aussi diverses que l’ouverture à la concurrence, un virage technologique, de faibles barrières à l’entrée ou un changement dans la législation, qui étaient les signes avant-coureurs d’une possible croissance exceptionnelle en cet âge d’or de la technologie ». Style caoutchouteux, collant, administratif. Quant aux répliques, elles frisent le ridicule. Une parmi d’autres : « Madame, je suis un inventeur, un constructeur ! Ma seule école, c’est la vie et son adversité ». A ce niveau de maladresse, le lecteur peine à ne pas rire. L’auteur, elle, a l’air de se prendre très au sérieux.