Autant éviter toute confusion dès le départ : ceci n’est pas un essai. Encore moins un roman. Non, Surveillance électronique planétaire est un rapport commandé par la Communauté européenne sur le système de surveillance électronique Echelon. Si l’idée peut paraître assez austère de prime abord, la lecture de ce petit livret de 140 pages s’avère passionnante. Quand ses confrères journalistes aiment à en rajouter dans le sensationnel cheap, Duncan Campbell, vieux renard écossais du journalisme d’investigation, livre l’essentiel, rien que l’essentiel. Les preuves et les explications dans le texte. Bref, un document inégalable sur les grandes oreilles cyber de la NSA, agence « occulte » des services d’espionnage américains.

Découpée en de courts paragraphes, la réflexion de l’auteur décarcasse avec précision l’historique et les raisons d’être du système. Echelon, c’est le réseau de surveillance des réseaux, le grand scan interplanétaire, le rêve panoptique et démiurge des agences d’intelligence américaine. Non pas une police du Net, mais un grand filtre où transitent quasiment tous nos échanges (e-mails, chats, fichiers) électroniques.

Sa tâche est celle d’une fourmi infatigable. Duncan Campbell, lui, débusque ce voyeur invisible et décrit tous ses travers. Echelon, grande machinerie d’état, est un amoncellement d’ordinateurs super puissants, d’antennes satellites scrutant l’espace et d’espions humains très faillibles. Pourtant, Echelon n’est pas un enfant du baby-boom paranoïde de la guerre froide, mais un instrument du bloc USA/Royaumes-Unis destiné prioritairement à surveiller les autres pays du bloc de l’Ouest. Une formidable façon pour les Etats-Unis de suivre les évolutions des bénéficiaires du Plan Marshall et d’acquérir en temps réel toute information plus ou moins confidentielle qui transiterait sur les ondes : fax, e-mail, téléphone, tout y passe.

Les Français, dindons de la farce, tentent de rattraper le retard accumulé lors des années Balladur. A l’initiative du Parlement européen, ce rapport dense mais très clair, car retravaillé entièrement pour un public de non-techniciens, démystifie la paranoïa très Roswellienne du mythe Echelon (« on nous ment, on nous dit rien ») pour la remplacer par un factuel très parlant : les services secrets américains ont pu pendant des années connaître ce qu’ils souhaitaient des secrets d’Etats locaux. Exit donc toute confidentialité économique ou politique ; pas besoin de ligne rouge vers le bureau ovale. Echelon, lui écoutait tout. Avec la plainte internationale déposée par l’ancien juge d’instruction Thierry Jean-Pierre (aujourd’hui député européen), ce rapport très documenté devrait jeter un pavé dans la mare trop tranquille des relations Europe/Etats-Unis.